En 150 ans, la population a bien changé !

Si l’on consulte le recensement de 1876, on s’aperçoit que le nombre total d’habitants était à peu près le même qu’aujourd’hui, 1066 contre 1062 recensés en 2015. Avec toutefois quelques nuances.
Car si le village a dû s’étendre hors des remparts au début du XIXe siècle faute d’espace intra-muros, développant ainsi les quartiers du Faubourg et des Aires, mais aussi les fermes de la campagne comme Roubion, Rourebeau, Piebanaud, Grangeneuve, les Richard, sans parler du Pas du Ventoux, c’est surtout le paysage et la nature des occupants des lieux qui ont changé…

En effet, en 1900 par exemple, on comptait sur l’étendue du village 30 chevaux, 66 mulets et 10 ânes (les tracteurs ne sont arrivés qu’au début des années 1950). 6 vaches produisaient du lait ou des veaux, mais ce sont surtout les 200 chèvres qui alimentaient le village en lait et fromage. Sans compter les 610 cochons qui occupaient souvent les rez-de-chaussée des maisons du village et parfumaient ainsi les rues où s’accumulait souvent le fumier, précieusement conservé pour amender les terres. Ressources inépuisables pour les mouches et puces de toutes sortes. Quant aux moutons, brebis et agneaux, le cheptel se montait à 1765 têtes, élevées bien sûr dans les écarts.

Aujourd’hui, il n’y a plus que quelques dizaines de chats sans toit qui circulent et squattent les maisons délabrées. Les chiens laissés en liberté par leur maîtres se lâchent, obligeant à zigzaguer dans les rues pour éviter le pire. Quelques chevaux de loisir s’ennuient dans les prés. Et surtout, de nombreux touristes arpentent les rues à la découverte de ruines ou de quelque exposition estivale.

Odeurs de mon enfance…

Tous les prétextes sont bons ou comment allier l’utile à l’agréable

Place Colin Ravoux

Merci à Madame Monique Cherbite qui vient de remettre aux Amis de Mollans les maquettes conservées des Portes de l’an 2000, de la Corée-Japon de 2002 et des enregistrements, dont une interview filmée de Guy Fabre, alors âgé de 90 ans, réalisée en 2007 par Jean François Colonat, et que ce dernier avait totalement oubliée.
Heureuse redécouverte et document précieux plein de petites anecdotes et de renseignements sur Mollans, des années 20 aux environs des années 50.
Parmi les nombreux commerces du village et particulièrement dans la Grand’rue, il y avait deux boutiques mitoyennes qu’apparemment les hommes fréquentaient assidument et le prétexte était tout trouvé. C’est Guy Fabre qui nous le raconte.

Guy Fabre
Portait en 2007

« Il y avait la buvette Ravoux. A côté de cette buvette le salon de coiffure des frères Colin. Il y avait Louis Colin qui habitait à l’époque à la maison qui se situe en face de la maison qui était de Félix Reymond. Kléber, plus jeune que Louis habitait dans la maison où il y a le salon de coiffure. Salon de coiffure qui marchait très bien.
Et à l’époque pour vous situer l’état d’esprit des gens, la plupart des gens ne se rasaient pas, ils venaient se faire raser, c’était une distraction et je vais vous dire pourquoi. A coté de ce salon de coiffure, il y avait la buvette Ravoux. Alors, qu’il y ait deux, trois ou cinq ou six personnes qui attendent, ils n’attendaient pas dans le salon de coiffure. Là, il y avait les deux frères et les deux sur les fauteuils. Les sièges il n’y avait personne, je ne sais même pas si il y avait des sièges. Ils étaient à côté à la buvette.
Quand un fauteuil était libre, un des deux frères se déplaçait, il faisait cinq ou six mètres, il rentrait dans la buvette, « qui est-ce qui vient c’est libre ?. Voilà comment ça se passait. C’était vraiment de la camaraderie. »
On comprend pourquoi les hommes préféraient se faire raser.

Morts pour la France

Chaque année, le 11 novembre, de nombreux Mollanais, d’origine ou de cœur, se retrouvent au pied du monument aux morts, pour écouter les discours nationaux, auxquels succède l’appel aux morts mollanais pour la France. La liste des 26 noms, gravés dans la pierre du monument, rappelle leur sacrifice à leurs descendants ou parents. Mais qui étaient-ils ? Quels ont été leurs parcours ? La célébration du Centenaire de la guerre 14-18 nous a permis de rechercher dans les registres matricules les informations sur ces héros anonymes que nous avons synthétisées dans les fiches présentées à l’exposition de 2018.

L’eau mollanaise

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Dans notre précédent post, nous avons évoqué l’œuvre littéraire de Théo Chabert, un mollanais du XIXe siècle qui avait quitté Mollans pour la Savoie suite à un dépit amoureux. Parmi ses nombreux poèmes que l’on peut consulter sur Gallica, il  en est un, L’eau mollanaise, qui évoque une propriété méconnue de l’eau de la fontaine au Dauphin et qui pourrait expliquer son succès.

Il est une eau délicieuse,
Dont la vertu capricieuse
Est d’arrondir certains appas
Aux fillettes qui n’en ont pas.

֎

Accourez joyeuse,
À l’eau merveilleuse,
Fillette rieuse,
Et n’en doutez pas,
C’est l’eau Mollanaise,
Soyez-en bien aise,
Qui fait sans malaise,
Croître les appas.

֎

Vous qu’une faute de corsage
Éloignerait du mariage,
Venez, buvez et par retour,
Vous verrez approcher l’amour.

֎

Accourez joyeuse,
À l’eau merveilleuse,
Fillette rieuse,
Et n’en doutez pas,
C’est l’eau Mollanaise,
Soyez-en bien aise,
Qui fait sans malaise,
Croître les appas.

֎

Souvent, plus d’une jouvencelle,
Malgré le jeu de sa prunelle,
Ne peut captiver son amant
Faute d’avoir assez d’avant.

֎

Accourez joyeuse,
À l’eau merveilleuse,
Fillette rieuse,
Et n’en doutez pas,
C’est l’eau Mollanaise,
Soyez-en bien aise,
Qui fait sans malaise,
Croître les appas.

֎

Cette eau, nous disent nos grand’-mères,
Nous fit aimer de vos grand-pères,
Car bien souvent deux bons tétons
Font dot aux pauvres Jeannetons.

֎

Accourez joyeuse,
À l’eau merveilleuse,
Fillette rieuse,
Et n’en doutez pas,
C’est l’eau Mollanaise,
Soyez-en bien aise,
Qui fait sans malaise,
Croître les appas

Qui connait Théo Chabert ?

Le prénom de Théo (Théophile) n’évoque certainement rien pour les Mollanais, même si son nom de famille, Chabert, a laissé quelques traces. Qui était ce personnage, devenu célèbre, grâce à son amitié avec Jules Vallès, acteur de la Commune de Paris.

Article présenté pour les JEP2016

Jules Vallès a rédigé la préface des Canticides,  l’œuvre littéraire principale de Chabert que nous donnons ci-dessous. Nous aurons également l’occasion de publier L’eau mollanaise, un poème qui vante les vertus de notre eau…

Et si nous décoconnions un peu ?


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Après avoir décoconné, Raoul Montaud, son frère Raymond, sa femme Paule, et sa mère Marguerite éliminent la blaze à l’aide d’une déblazeuse. (Fonds R. Montaud)

En 2002, lors de l’exposition à Mollans sur la Corée et le Japon, coordonnée par Gérard Finel, nous avions recherché un lien, un point commun entre le patrimoine de notre village et l’Extrême Orient. Pas évident à première vue, mais la lumière a illuminé nos esprits : la soie !
C’est ainsi que nous nous sommes engagés dans une exposition et une conférence sur l’histoire de la sériciculture à Mollans, telle que nous la révélaient les archives locales. En rangeant les papiers de l’association, nous avons retrouvé plusieurs documents et images exposés pour l’occasion. Nous les publierons sur le site au fur et à mesure de leur dépoussiérage…
Pour l’instant arrêtons-nous sur une belle image, communiquée par Mme Paule Montaud, qui représente l’opération de déblazage en famille vers 1945.


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Le décoconnage achevé (c’est-à-dire l’opération qui consiste à enlever les cocons des branches de genêts calées dans les canisses), il faut enlever les impuretés et éliminer la blaze formée par les premiers fils de soie qui ont servi au ver à s’arrimer sur les genêts. Cette opération s’appelle le déblazage. On utilise pour cela une machine à déblazer, planche inclinée munie de plusieurs tiges actionnées par une manivelle. Les cocons sont répartis en haut de la machine et la blaze s’accroche sur les tiges en rotation. Les cocons semi-finis sont récupérés dans de grands paniers.
De construction très artisanale, ces machines ont terminé leur carrière le plus souvent à la décharge ou dans les cheminées !
Des bricoleurs astucieux ont également conçu des machines pliantes et portatives qui devaient circuler de famille en famille.
Une finition manuelle s’avérait souvent nécessaire pour éliminer toute trace de brindilles.

Calade antique ?

Dans le premier numéro de Mémoire d’Ouvèze, il y a 20 ans…, nous nous interrogions sur la découverte d’un chemin empierré de galets de rivière. Nous reproduisons l’article ci-dessous, accompagné du plan napoléonien et des photos réalisées lors des travaux de la RD5.

« Les prochaines rectifications de la D5 nous ont amenés à suivre l’ancien chemin de
Mollans à Entrechaux qui doit, l’espace de deux virages, retrouver son ancienne vocation.
Le quartier Saint-Pierre est bien connu pour ses anciens habitats et la proximité des futurs travaux nécessitait une surveillance bienveillante.»

Les Trace De L'ancien Chemin De Mollans à Entrechaux Pendant Les Travaux D'élargissement De La Route
Élargissement de la RD5 en amont du cabanon Chabert
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Cadastre 1834. © AD Drôme.

« Point d’indices archéologiques dans la proximité des arbres arrachés. Soulagement. Sur notre lancée nous avons prospecté tout le chemin jusqu’au Toulourenc.
Quelle n’a pas été notre surprise de découvrir, dégagée par les ravinements des pluies, une belle calade formée de galets de rivières parfaitement ordonnés, visible sur un mètre de large et s’étendant sur une dizaine de mètres en longueur. On la voit juste après le croisement avec le canal de l’Iscle du Vif qui s’enfonce par une voûte solide sous la route départementale.
Dès le premier abord on peut se laisser emporter par la conviction de la découverte d’une ancienne voie romaine – le quartier s’y prête – mais on revient rapidement à une hypothèse plus sage d’un empierrement XVIIIe voire XIXe car cette chaussée a été empruntée jusqu’à la construction de la route actuelle qui franchit la rivière sur un pont édifié au XIXe siècle.
Traces d’un autre temps, celui des chevaux, des charrettes et des diligences, à conserver du moins par la photographie, pour témoigner du savoir faire des anciens.»

Les Amis de Mollans : 50 ans d’activité

50 ans !  Cela méritait bien une rétrospective. C’est ce que les Amis de Mollans ont réalisé pour les Journées Européennes du Patrimoine les 21-22 septembre dernier en rappelant les différents volets de leurs actions : archives, patrimoine, éditions, visites, expositions, bibliothèque, photothèque et archéologie, tout cela exposé dans des photographies et une dizaine de roll-up.

Et un billet d’humeur…
Reste maintenant un gros point à résoudre pour les 50 années suivantes : qui pour prendre la suite ? Les candidats à l’action ne se sont pas encore manifestés et l’intérêt pour le patrimoine et les archives ne semble pas d’actualité. Il est vrai que cela demande pas mal d’investissement et de rigueur. de la curiosité pour la connaissance de son village : les Amis de Mollans ne sont pas un comité d’animation ! Les apéros sont choses rares, les ballades touristiques et ludiques inexistantes.
Et il y a tant de choses à faire : classer, conditionner, restaurer les archives anciennes, travailler et collaborer avec nos élus sur les dossiers de protection du patrimoine bâti, naturel, archéologique ou immatériel et enfin restituer au plus grand nombre par des expositions ou des publications.
Il serait dommage que nos archives rejoignent Valence (250 km aller-retour…), que les bâtiments et objets du patrimoine continuent de se dégrader, qu’une négligence coupable deviennent le standard d’une vie de futilités telle qu’on le ressent de plus en plus.

Conclusion : on recrute. Pas sérieux s’abstenir !

Parchemins et archives

Parchemins et archives restaurées

Pour les Journées Européennes du Patrimoine, les samedi et dimanche 21-22 septembre 2024, Les Amis de Mollans présentent aux Archives communales, les quatorze parchemins restaurés en 2023 ainsi que les archives anciennes en cours de traitement.
Ces travaux sont réalisés par la commune de Mollans, avec le concours du conseil général de la Drôme et avec l’aide de la Fondation du Crédit Agricole pays de France.

Les leçons de l’Histoire : Mollans, 15 septembre 1745

Ces deux derniers mois d’extrême sécheresse, similaires à ceux de 1992 ou de 1745, nous poussent à faire le rapprochement entre ces deux années d’historiques inondations et le mois de septembre qui commence. Météo France nous prédit, avec un indice de confiance toutefois faible, des pluies très abondantes. Nous ne serons pas oiseau de mauvais augure, mais…

Innondations Du 22 Septembre 1992 à Mollans

Rappelons simplement quelques crues qui ont marqué les siècles passés, telles que les mentionnent les archives.
Tout d’abord celle de 1507 au Buis et en février 1581 où « il a fallu employer 3 ou 4 fois les corvées » pour réparer les dégâts. Mais c’est la crue du 21 août 1616 qui causa entre autres de gros dégâts au parapet du pont romain de Vaison, comme celle de 1992 qui semble la plus notable. Celle de 1760 coûta 15.541 livres aux Mollanais avec 115 propriétaires touchés. 1863, c’est au tour du Toulourenc de déborder, au quartier du Sagnas, et de faire se déplacer, sans retour, un coin de Dauphiné vers le Comtat.
1616, 1745, 1863, 1992 : la définition de crues centennales touche au concret !

Que s’est-il passé le 15 septembre 1745 ?

Il pleut beaucoup au Buis : la commune dépensera 61.875 livres en réparations. Le comble est alors atteint à Mollans comme le note le curé Alexis Morenas dans les registres de catholicité de la paroisse, ce qui n’est pas un support ordinaire pour de telles notes, mais les événements consignés sont « dignes de mémoire perpétuelle » !
Lisons-le : « Ce quinze septembre mil sept cent quarante cinq à deux heures après minuit, en suite de quelques tonnerres peu bruiteux, survint une pluie des plus abondantes ; mais comme elle avait été précédée d’une sécheresse de quelques mois qui faisait craindre pour les récoltes encore pendantes, cette pluie nous réjouit d’abord, et nous porta à des remerciements envers Dieu auteur de tous biens : mais comme cette même pluie continua jusque sur le midi et même toujours plus forte accompagnée de plusieurs tonnerres consécutifs, nous commençâmes à en être effrayés d’autant que toutes nos rues étaient inondées et qu’il n’y avait aucune maison qu’on put garantir de l’influence des eaux des couverts et de ceux mêmes qui étaient tous neufs.
Cependant nos alarmes se dissipèrent vers le midi ! Mais ce fut pour bien peu de temps ; après un quart d’heure d’intervalle, la pluie recommença avec les tonnerres bien plus forts qu’auparavant. Les nuages affreusement épaissis ne laissaient guère de différences entre le jour et la nuit. Cette pluie dura jusqu’à trois heures et demie.
Pendant ce temps là, on vit descendre de nos montagnes une si grande quantité d’eau qu’elle faisait en plusieurs endroits d’espèces de rivières dont plusieurs creusées jusqu’à cinq à six pieds, et tout le reste se divisait en forme de petits sillons qui, emportant le suc des terres, laissaient les arbres tous décharnés et couvraient en certains endroits qui étaient un peu en plaine jusqu’aux pointes des sarments de nos vignes.
En même temps nous aperçûmes que notre rivière ne pouvant plus contenir dans son lit, s’extravasa de chaque coté des bas fonds de nos campagnes mais d’une façon si extraordinaire que les plus anciens du pays assurèrent que en 1684 où l’on avait vu une inondation jusqu’alors sans exemple, les eaux ne montèrent pas si haut à beaucoup près ajoutant qu’il s’en fallait d’environ vingt pas.
Toutes les fortifications qui étaient le long de la rivière ont été emportées, plusieurs fonds ont eu le même sort. Tous les jardins du faubourg ne sont plus qu’un tas de gravier et les plus hauts, dont les murailles ont toutes été renversées, sont couverts de limon. Les murailles du jardin de Monsieur Ginoux notaire ont été emportées et quantité de ruches à miel ; en dessous du pont, tous les jardins engloutis, le Grand Pré à Monsieur le marquis de Simiane qui est sur la droite de la rivière se trouve à moitié chargé de gravier, et tous ces mêmes côtés jusqu’au dessous de la chapelle de Saint-Marcel est ou chargé du gravier ou du limon. À la gauche la grande chaussée qui faisait tête à toute la Serre a été entièrement emportée, et, jusqu’à la grange du sieur Morenas,  ce n’est plus qu’un haut gravier où l’on ne voit plus que des arbres chaussés de broussailles jusqu’aux branches sans distinction de chaussées ni de canaux d’arrosage en sorte que tout ayant disparu aux arbres près on ne peut plus distinguer qu’à ces tristes signes les fonds des particuliers. En dessous de ladite grange il y a moins du dommage à la vérité, mais tout y est au moins chargé du limon qui perd non seulement la récolte pendante mais encore celle de l’année prochaine, étant impossible qu’à la première on puisse remettre ces fonds en état de pouvoir donner des fruits aux propriétaires eu égard aux ravines, aux crevasses, aux creux que toutes ces terres ont souffert et dont le dommage est à proprement parler inestimable ».

Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, ça ne vous rappelle rien ?
240 mm à Mollans, pluie continue et statique pendant trois heures, les escaliers de la mairie les pieds dans l’eau.
Photographies de M. Simonet.

Innondations Du 22 Septembre 1992 à Mollans
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Innondations Du 22 Septembre 1992 à Mollans
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Marque au pied des escaliers de la mairie montrant le niveau atteint par l'Ouvèze en 1992

22 août 1944 : quelques Mollanais au maquis *

En cette année 2024, quatre-vingtième anniversaire du Débarquement et de la Libération, nous souhaitions nous souvenir des Mollanais qui participèrent aux maquis et en particulier de leur action du 22 août 1944, quelque part entre Sault et Méthamis. C’est cette journée, qui a marqué à jamais leur mémoire, que je souhaite rappeler.

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Jean Nanton
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Robert Jacquet

En ce début d’année 1944, une poignée de jeunes Mollanais, réfractaires au STO, ont rejoint le maquis Ventoux dans la 2e compagnie du 1er régiment de Vaucluse, contactés par Albert Pantaly. Quelques autres rejoignaient un maquis F.T.P (Ramon Vilalta) ou le maquis Vasio (Raoul Montaud, Jean Cahen, Léopold Walter et Jean Tramontin).
Ils vont passer quelques mois de ferme en ferme, tout d’abord à Vercoiran puis à Autane. Début août, ils stationnent dans les environs de Sault, sur la route de Saint-Jean. Après le débarquement en Provence, le 15 août, les maquis vont perturber les mouvements et le reflux des troupes allemandes.
C’est ainsi que le 22 août, Jean Alea, Jean Nanton, Robert Jacquet, Pierre Charras, Jean et Pierre Veyrier, Gilbert Mouton, Henri Meffre, Meyer, les frères Monge et une dizaine d’autres dont les noms ont déserté la mémoire de nos anciens, se retrouvent au bord de la route de Sault à Méthamis en position d’embuscade. Les livres d’histoire n’ont retenu que l’engagement d’un groupe d’aviateurs à l’entrée de Sault. Nos Mollanais, en première ligne, venaient juste de rompre le combat, après une violente échauffourée face à une colonne allemande composée de deux chars Tigre et d’une trentaine de véhicules. Il est juste, en ce 80e anniversaire de la Libération de la France, de rappeler cet événement oublié.
C’est le témoignage de Jean Nanton et Robert Jacquet, enregistré en 1999, ainsi que celui de Jean Alea, enregistré en août 2004, que nous avons retranscrits. Nous les avons mêlés fictivement comme si les trois compères s’étaient retrouvés, un jour, autour d’un verre, pour nous raconter.

Au bord de la route…

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J. ALEA (J. A.) : La veille, j’étais avec Giraud. On était restés là deux, trois jours. On avait coupé des buis, on en avait fait une paillasse et mis une couverture dessus, puis on couchait là. La veille, Giraud – c’était un type qui fumait un peu – d’une cigarette il allumait l’autre… J’étais juste après le virage, derrière mon petit mur. Il y en avait (des membres du groupe, NDLR) à la cime de la montagne ; il y avait Meyer et les deux frères Monge, qui étaient de Sainte-Jalle. Jean Nanton, il était un peu après moi. On était trois groupes de grenadiers. Dans le virage il y avait Begou avec le fusil-mitrailleur et Masson.
J. NANTON (J. N.) : Moi on m’avait mis, pour remplacer Jojo qui était malade, caporal-chef grenadier au bord de la route. J’étais pas charmé, mais enfin… Juste au bord de la route. Alors il passe deux types de la Résistance, habillés en résistants et les papiers en règle et un papier signé du père Beyne. C’est pas trop régulier ce que vous avez là. Oh ! Mais il m’a dit : si, c’est régulier. C’était signé du colonel Beyne. Alors j’ai appelé l’adjudant. L’adjudant, il m’a engueulé. Il m’a dit : alors tu sais pas lire.
Les autres, ils étaient contents ; …et lui les a laissés passer. Et que, guère après, il est arrivé René, le lieutenant René, avec son chauffeur, le fils Beyne, en moto, et qu’on lui a dit ça. Oh ! Nom de Dieu ! Il a dit. Je vais les rattraper. Oh ! Tè !
JFC : Vous pensez que c’est eux qui…
J. N. : Qui nous ont vendus. Ils allaient à la rencontre des Allemands.
R. JACQUET (R.J.). : Ils partaient en direction de Méthamis. 
J. A. : On en avait laissé descendre quatre ou cinq en vélo. Ils étaient tous en règle, bien entendu.
J. N. : Alors qu’on devait laisser monter personne… On devait laisser descendre des gens, mais monter personne.

Ils arrivent !

Jean Alea Au Cours D'un Entretien Chez Lui Le 18 Août 2004
Jean Aléa

J. A. : On était monté à la ferme pour se raser – ça devait faire trois ou quatre jours qu’on ne s’était pas rasés – C’est à 11 heures, 11 heures et demie qu’ils sont arrivés. Il y avait Jauffrey qui était en haut, et c’est Jauffrey qui nous a dit : ils montent ! Il en arrive ! Il a compté 40 véhicules. Il a dit : y en a encore derrière !

R. J. : On a vu arriver le convoi en haut, à la ferme de Saint-Hubert… Oh ! Oui. On a bien vu d’abord : c’était sûr qu’ils étaient prévenus parce qu’ils se sont arrêtés en haut du col et une auto-mitrailleuse s’est mise en batterie, là-haut, et un moment après le convoi est parti à la descente. Mais en même temps toute une équipe à pied a pris la crête et venait pour nous prendre par-derrière. C’est là qu’on a commencé à les laisser avancer. Ils ont commis une erreur tactique en laissant descendre le convoi par la route avant que la colonne à pied ne soit arrivée à notre hauteur. Tout de suite Pantaly m’a demandé de prévenir tout le monde de dégager, mais les Allemands arrivaient déjà en face.
J. A. : Entre les arbres je vois arriver « un affaire » plein de branches, et des bonshommes dessus. J’ai dit : celui-là de camion il va en faire un de soleil ! Parce qu’on avait des Gammon. Je dégoupille ma grenade, et quand il a été en face j’ai vu le canon. Oh ! c’est pas un camion ! Il était à peut-être vingt mètres. Je balance ma grenade et je me baisse derrière mon petit mur. Et en étant baissé je dégoupille la deuxième. Et allez, la deuxième ! Quand je me suis relevé il n’y avait ni branche ni bonhomme dessus. Et j’ai rien vu sur la route. Ces Gammon ça secoue. Et après, bien entendu, j’avais fait ce que je devais faire : j’ai filé. Mais les Allemands, ceux du deuxième char, ils sont venus. Quand ils m’ont vu partir, avec leur mitraillette… brrrrrr. Il y en avait sept ou huit : ils m’ont manqué ! Je faisais un peu comme les lapins. Je suis parti en montant. Et quand je suis arrivé presque à la cime…
J. N. : Au bout d’un moment on a entendu un bruit de moteur et un grincement de chenille. Quand il a sorti du virage avec toutes les branches dessus, ses soldats assis autour avec la mitraillette entre les jambes… Il me dit : Qu’est-ce que c’est ? Je lui dis : C’est un tank ! Eh ! bé, il m’a dit, on va toucher beau… Il nous a passés comme delà sur la route. On était guère relevés. Les soldats allemands étaient à portée de nous. Moi j’en ai balancé une, un moment après. Tu sais un char qui est comme d’ici au portail de ma voisine. Une grenade Gammon, tu l’envoies pas loin, parce qu’il faut pas qu’elle touche quelque chose. Sur tout ce qu’elle touche elle éclate…
R. J. : Moi j’étais en haut avec un FM. Quand j’ai entendu les premiers coups de feu vers la route j’ai balancé deux chargeurs en direction de ceux qui venaient à pied. Ils commençaient à tirer eux aussi. On a commencé à entendre siffler dans les oreilles. J’avais que deux chargeurs, il y avait le Jean Veyrier avec moi, qui était comme serveur ; il avait laissé la musette je sais pas où, avec les chargeurs… Moi j’en avais un dans la poche derrière et un sur le fusil-mitrailleur.

La mort d’Albert Giraud

J. A. : Giraud, il était avec moi. Quand Jauffrey a annoncé qu’il y avait les Allemands il était d’un énervement, Giraud. Je lui ai dit : lève-toi de là, tu vas tous nous faire tuer. Il voulait pas partir. À force de lui dire, il a filé. Moi aussi je suis parti et, à une vingtaine de mètres de la cime, je me suis retourné : Giraud, Nanton et le Pierre Charras. Tous les quatre là ! Ils nous avaient vus d’en bas. Et allez avec leur mitrailleuse lourde de char. On était couché derrière une touffe de chênes, des chênes qui étaient gros comme des bouteilles : pin, pin, pin les ballles ! Si on reste là il y a en une qui va nous empéguer.. Il fallait faire vingt mètres en plein découvert et après on passait par le bois. J’ai pris le fusil, j’ai pas mis longtemps pour traverser. Le Pierre Charras a fait pareil. Et Giraud est parti en troisième. Et c’est là comme il arrivait au bois qu’il a été tué. Et Nanton il a pas bougé quand il a vu ça. Il est allé voir après. Il y a que lui qui savait que Giraud était mort.
J. N. : J’ai tiré après que Giraud ait été tué. Je me suis trouvé en dessus de la route, et je voulais monter, passer près de la ferme où des fois on allait chercher un peu du vin…
R. J. : Ou casser la croûte… La ferme à Simon.
J. N. : Et quand je suis été à mi-chemin – c’était un ancien champ de blé – j’ai vu courir des soldats allemands et installer une mitrailleuse à l’angle de la ferme. Alors j’ai obliqué sur la gauche et je suis descendu, pas par le bord de la route parce qu’il fallait pas être au bord de la route : il y en avait de partout. C’est là que j’ai reçu un éclat d’obus de mortier à l’arcade sourcilière.
R. J. : Tu es revenu alors par la route de Sault ?
J. N. : Je suis allé traverser le ravin de l’autre côté de là où on était pour aller au croisement. J’ai dit peut-être tu retrouveras les autres ? Il y avait plus personne. Alors j’ai dit qu’est-ce que tu vas faire ? Tu vas, tu vas… D’abord premièrement ma première idée : regarder le Ventoux. J’ai dit : tu as à peu près pour manger puis pour te couvrir ; tu vas traverser le Ventoux, tu vas à Mollans.
R. J. : Nous on est parti de l’autre côté, là-haut. On a passé le sommet puis on est redescendu dans le vallon où il y avait la ferme, on a traversé un champ de lavande…
J. N. : Ah ! oui, le fameux champ de lavande…
R. J. : Ah ! pauvre…
J. N. : Moi je l’avais évité…
R. J. : Ils nous tiraient dessus, je ne sais pas comment on est arrivé au bout. Tu  sais qu’on a fait un cent mètres que… On a dû battre des records.
J. N. : J’ai attendu un moment, tu vois, quand Giraud a été tué. J’ai attendu un moment : il faut bien savoir s’il est mort, si vraiment il est mort ; il était à côté de moi.

Le repli

J. A. : Moi j’avais mon plan. J’ai filé en direction du croisement de la route qui menait à Méthamis et celle qui allait à Javon. Et après tu files vers le Ventoux. Si tu peux arriver à Sault avant les Allemands… Quand je suis arrivé dans Sault les Allemands étaient sur le pont là-bas dessous. Entre Sault et là où on était il y avait encore un barrage d’aviateurs. Là ça a duré maï un moment. Après je suis parti vers Ferrassières et de là à Séderon.
JFC : Si j’ai bien compris, il y avait deux groupes ?
R. J. : C’était le même groupe qui était échelonné…
J. N. : Réparti… Il y avait deux fusils-mitrailleurs et deux mitrailleuses.
JFC (à R.J.) : Vous, vous aviez un fusil-mitrailleur…
J. N. : Et l’autre qui c’était ?
R. J. : Je ne me rappelle plus…
J. N. : Le gendarme, ah ! nom de nom… Béroud ! Béroud, il avait avec lui le cousin de Colin, le maçon, tu te rappelles, le maçon et le maire de Chauvac actuellement, Samuel, le cousin de Pantaly. Il avait ces deux gars avec lui, il était chef de poste pour ainsi dire… Mais c’est lui qui a tiré ; il a dit : « Quand les Allemands arrivent : laissez-moi faire. En 39, en Ubaye, là-haut, j’en ai assaisonné quelques- uns comme ça. Je sais m’en servir de ça! »
JFC : Et les mitrailleuses, qui les servait ?
J. N. : Eh bé ! Meyer, il en avait une. Et l’autre, je sais pas qui c’était… Aquadro, Aquadro de Sainte-Jalle.

JFC : À la suite de ça vous vous êtes repliés et vous avez regagné…
J. N. : Sault. Vous avez regagné Sault vous autres, directement ?
R. J. : Non, on est allé sur Banon et à Sault le lendemain. Quelques jours après, nous avons rejoint les autres unités en Avignon et nous avons participé au défilé dans la ville libérée.

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Le défilé des combattants du maquis Ventoux, sur la place de l’Horloge en Avignon en septembre 1944. Coll. Jacquet.
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Jean Aléa (de dos, à gauche) est décoré de la Croix de Guerre, avec d’autres compagnons sous le regard de Jean Garcin (colonel Bayard, à gauche) et du colonel Beyne (il porte un calot). Coll. Alea.
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Les compagnons du maquis Ventoux (noms soulignés) posent la stèle. De gauche à droite, en haut : Gabriel Roux, Jean Tyrand, Albert Pantaly ; en bas : Gilbert Mouton, Robert Jacquet, René Meyer . Coll. Jacquet.
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Jean Nanton et Robert Jacquet devant la stèle d'Albert Giraud.

La foire aux cocos 2024

Affiche Cultiv'ailleurs Def Reduit
Cocos 2024 Reduit

Deux expositions dans l’ancien moulin à huile qui fête cette année ses 300 ans :

Cultiv’Ailleurs, exposition de photos de Michel Chauvet,
nous montre les pratiques culturales de pays bien loin de Mollans.

Le moulin à huile dans le jeu de Paume, exposition des Amis de Mollans,
qui retrace en photos et dessins l’histoire des moulins à huile de Mollans.

À voir du 18 au 25 août de 10 h à 12 h 30 et de 15 h à 18 h 30

1724-2024 : Il y a 300 ans, le moulin à huile dans le jeu de paume

Affiche Cocos Moulin V4

Les traces les plus anciennes évoquant un moulin à huile banal appartenant à la communauté de Mollans remontent à 1544, lors d’un bail le confiant à ce que l’on n’appelait pas encore un moulinier.  
En 1724, les récoltes d’olives ayant repris de la vigueur après le grand gel de 1709 qui a tué les oliviers, les capacités du moulin à huile dit moulin vieux se révélant trop petites, la construction d’un nouveau moulin est votée par l’assemblée des habitants.
Il est construit dans le jeu de paume alors en ruine, étendu par le percement du rempart afin d’installer les meules.
Ce sera l’occasion dans un premier temps de moderniser le détritage par la disparition du moulin à sang conduit par les mulets et par l’installation d’une roue à eau pour faire tourner les coupes.
Au cours du temps et sans grandes évolutions techniques, le moulin à huile et à grignons reste moulin banal et communal jusqu’à la Révolution où sa vente par les domaines est attribuée à M. Curnier, habitant de Mollans qui constitue  rapidement une société avec divers habitants de Mollans parmi les plus aisés.
Plusieurs sociétés se succèdent jusqu’au début du XXe siècle. Elles amènent différents changements entre autre la mise en fonction du canal alimentant le moulin après le percement du canal de Grange Neuve. La fin du XIXe et le début du XXe siècle, voient l’abandon des pressoirs ancestraux pour les remplacer par des pressoirs en fonte alimentés par la turbine puis à l’électricité.
Quatre propriétaires vont exploiter le moulin au cours du XXe siècle.
Le gel de 1956 oblige les mouliniers à fermer le moulin quelques années puis il ouvre de nouveau sous le nom de moulin Chauvet. Nouvelle fermeture en 1977 après la mort de Jean Chauvet et réouverture avec Francis Jacquet en 1995 pour une période de 20 ans.

2015, le moulin se tait définitivement.

Le moulin est ce bâtiment ancien toujours en place face à la mairie de Mollans, qui fête cette année ses 300 ans. Il est toujours équipé des presses anciennes en fonte, d’une presse moderne et de sa coupe, tels que laissées lors de la fermeture.
Les propriétaires actuels permettent gentiment aux Amis de Mollans de marquer cet anniversaire par une exposition retraçant cette longue histoire, établie grâce aux archives municipales,  et de photos du fonctionnement durant la seconde moitié du XXe siècle.
On pourra aussi y retrouver la revue Lei Coude Trouca de 2022, consacrée au patrimoine villageois, qui consacre un long dossier à plus de cinq siècles (XVIe au XXe s.) de présence d’un moulin à huile à Mollans.

Moulin à huile de Mollans- face à la mairie
Ouverture du 18 au 25 août .
Horaires 10 h -12 h 30 & 15 h-18 h 30.

Les blancs de Blanc : les cocos de Mollans

Le titre de cette chronique  pourrait vous faire penser à un quelconque mousseux, à une lessive qui lave mieux que les autres ou à un parti politique de gauche. La juxtaposition des termes est d’ailleurs croustillante. C’est d’un légume universellement connu qu’il s’agit. Une simple histoire de haricots. Oui, mais quels haricots !
En consultant l’Internet, j’ai eu l’agréable surprise sur le site d’un chef réputé, Alain Ducasse, de découvrir que les cocos de Mollans agrémentaient un de ses menus : Limousin lamb, “haricot de mouton stew-style with “Cocos de Mollans” white beans. » Excusez du peu. Ce n’est donc pas de cuisine dont je vais vous entretenir, mais d’un ingrédient de la gastronomie française !
Les haricots viennent, comme la tomate, le poivron et bien d’autres légumes, des Amériques. Phaseolus est le nom générique de ce qui rassemble pas moins de 30 000 variétés de haricots. Et parmi toutes celles-là, il y a les inimitables cocos de Mollans, et en premier lieu, aujourd’hui, les blancs de Blanc. Pourquoi donc une majuscule à Blanc ? Tout simplement parce que c’est M. André Blanc, au quartier de La Jonche, qui est l’inventeur d’un haricot… blanc.
Nous avons rencontré sa fille, Vally Laget, née Blanc, et elle nous a conté l’histoire de ce merveilleux légume. Nous avons reconstitué notre dialogue : « Mon arrière-grand-père, après avoir quitté le moulin de la Blache à Eygaliers pour raison de santé, était venu s’installer à Mollans à la fin du XIXe siècle. Mon grand-père, Adrien, avait épousé Julie Pons d’Entrechaux. Quant à mon père, André, il est né à Mollans en 1907. Il a épousé Simone Clarisse, aussi d’Entrechaux.
Nous habitions dans une ferme à La Jonche. Et, contrairement à d’autres agriculteurs, notre récolte principale c’était les cocos. La plupart de nos terres étaient à l’arrosage.
Le terrain caillouteux de La Jonche donnait de meilleurs haricots qu’à L’Iscle par exemple, où le sol est argileux. À L’Iscle, les haricots sont plus gros, plus beaux, mais à La Jonche, même quand il a plu ils ne pourrissent pas. Ceux de L’Iscle sont aussi plus durs à la cuisson et plus farineux.
Nous avions deux variétés de cocos : les « précoces », qui venaient en deux mois et demi, et les «gros» qui mettaient trois mois pour arriver à maturité. Les variétés nouvelles comme le Manosque ne sont arrivées que bien plus tard. Quant au blanc de Blanc c’est en 1980 qu’il a fait son apparition.
Des haricots, tout le monde en faisait. Il n’y avait pas d’organisation coordonnée de producteurs, comme aujourd’hui le Syndicat des cocos. C’était chacun pour soi ! »

Comment cultive-t-on ces cocos ?

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Les Cocos De Mollans
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Les cocos de Mollans
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Les cocos de Mollans
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« Mon père semait environ 100 kg de semence sur 6 – 7 ha ; il produisait lui-même sa semence d’une année sur l’autre en sélectionnant à la récolte les plus belles gousses. Il ne fallait pas semer avant la Saint-Marc, jour de fête à Mollans, le 25 avril. On semait d’abord des « gros ». La récolte s’échelonnait donc de la mi-juillet jusqu’à la mi-octobre. Sur les terres retournées après la moisson on mettait des précoces, au plus tard fin juillet. Pour les « gros » il ne fallait pas passer le 22 juillet. Parfois des gelées à la Saint-Michel clôturaient la campagne.
On semait en plots de 3, distants de 15-18 cm, à la main. À quasi-maturité, un premier ramassage sur les plantes enlevait les plus belles gousses, suivi quelques jours plus tard par l’arrachage qui devait être très méticuleux. Il ne fallait surtout pas que la terre vienne salir les haricots. Et donc on arrachait les plants par poignées et on maintenait les racines en l’air en formant de petits tas. Puis on chargeait la charrette en deux rangées vis-à-vis seulement. »
Le rendement est quelque chose de secret chez le cultivateur de haricots. Certains d’entre eux, vieille habitude paysanne, minimisent la productivité : « écris pas plus de 2 t/ha dans ton article…». Au cas où l’on ferait la multiplication (je l’ai faite…). D’autres sont beaucoup plus optimistes : 3-4 t/ha. Bref, comme on dit, ça dépend…
La séparation des cosses et des rames était également très minutieuse. Assis sur une caisse, on prenait les plantes en veillant à maintenir la terre du même côté, puis on enlevait les cosses qu’on classait, en fonction de leurs qualités, dans différentes caisses : une pour les beaux, une pour les fanés et une pour les beaux-fanés qui allaient servir pour la semence, et une dernière caisse pour les tout-venants, les « passis ». « On portait nos haricots à des négociants, à Mollans. Le plus gros c’était Abel Blanc, à la Fontaine », mais il y avait aussi Albert Bonnet et Abel Jouve, comme nous l’a indiqué Raymond Rossi. Les cocos étaient expédiés par le petit train vers Lyon, quai Saint-Antoine, ou à Marseille. Ils étaient conditionnés en bauges, des sacs en toile de jute ; puis, plus tard, on a utilisé des banastes avec un couvercle qu’on appelait des « mussy ». En pleine production c’est 1 ou 2 wagons par jour qui quittaient Mollans. Après l’arrêt de la ligne de chemin de fer en 1952, il a fallu aller aux marchés, d’abord celui de Vaison, puis celui de Carpentras, et même de Châteaurenard.
La célébration de la récolte ne s’accompagnait pas d’une fête, dans les années 30 ou 40, comme pour les moissons ou les vendanges.

Et nos blancs de Blanc ?

De quoi s’agit-il ? Ce sont des cocos dont les cosses sont parfaitement blanches, grosses et sans défaut et ce même avant d’être arrivés à complète maturité. D’où viennent-ils ? Je ne trahirai aucun secret en disant que c’est M. Blanc qui, étant à court de sa propre semence, en a acheté on ne sait où, à Vaison peut-être ; et il a eu des plantes toutes blanches : il était tombé sur un lot particulièrement remarquable qu’il a ensuite stabilisé d’année en année par sélection des plus belles cosses. À un moment donné il n’y avait que lui qui avait ce haricot-là. « Même pas mûrs ils sont blancs. » Et quand il arrivait sur le marché de Carpentras, les acheteurs se les disputaient. Ce haricot a la particularité de n’avoir pas de chlorophylle. Et c’est cela qui plaît. C’est un peu comme les lisses golden jaunes et les petites pommes roses et rabougries dont je vous entretiens dans l’article sur la panaille. « Il faut reconnaître que ces haricots-là n’ont pas le même goût que les autres. Notamment ils se rapprochent plus du haricot précoce que des gros », souligne Vally Laget. Certains à Mollans, rares, ont conservé et reproduisent leur ancienne semence, et proposent à une vente confidentielle des « anciens ».
Pour ma part je me mouillerai en donnant ma préférence : j’ai un penchant pour les cocos anciens, car ils ont, à mon sens, une peau plus fine et plus digeste, surtout lorsqu’on les consomme tièdes en salade, avec une lichette d’huile d’olive. Mais il est vrai qu’avec une bonne saucisse et un peu de tomate il est peut-être plus difficile de faire la différence.
Ai-je tout dit sur ces blancs de Blanc ? Pas tout à fait, mais c’est un secret…
Et comme tout secret ça doit rester secret.

 
 

L’eau à Mollans

Fontaine Au Dauphin

S’il est un lieu commun aujourd’hui c’est bien de parler d’eau et, de fait, la gestion de cette ressource essentielle commence à devenir préoccupante ; la diminution des ressources et l’augmentation des besoins est la marque de notre époque.
En 2015 nous avons fêté le Tricentenaire de la fontaine au dauphin, enfin 300 ans + 1 an, pour cause d’élections municipales ! À cette occasion, de nombreuses animations ont été concoctées par les associations locales autour d’un projet fédérateur.
C’est dans ce contexte que Michel Hugues avec les Amis de Mollans a réalisé une vidéo qui retrace l’aventure aquatique du village depuis la première recherche de source en 1713 jusqu’à la création du réseau des fontaines.

Escargots et huile l’olive

Lors de la restauration de la chapelle des Pénitents, en 1987, furent trouvées, négligemment entassées dans quelques casiers qui conservaient les effets des confrères – des livres d’heures et des « bourras » –, des centaines de coquilles d’escargots vides.
Relief de defructus, le repas annuel et convivial des confrères ? Mais pourquoi conserver des coquilles vides de petits gris ? Le mystère était entier.

L’explication me fut donnée par la lecture d’un document conservé dans le fonds paroissial, rédigé par Victor Eynard, curé de Mollans en 1849 : « Le Jeudi-Saint, dans l’après-midi, les habitants de Mollans se préparent à l’illumination qu’ils font ordinairement le soir à la nuit tombante de ce jour, lorsque le temps est calme et beau pour faire la procession. La confrérie des Pénitents se distingue par son empressement et son exactitude à assister à cette procession. C’est sans contre dit la circonstance de l’année où les habitants de Mollans sont réunis en plus grand nombre dans l’église et en procession (…). Les rues par où passe la procession sont éclairées comme si on était en plein jour ; chacun rivalise de zèle et s’applique à mieux illuminer que son voisin. Il est des maisons qui font brûler jusqu’à quatre cents lampions ou flambeaux que l’on multiplie facilement au moyen de coquillages appliqués aux murs et aux fenêtres avec la terre glaise, disposés en figures telles que croix, ostensoirs, reliquaires. Cette procession, après 1830, avait été suspendue par M. Goudard mon prédécesseur à cause du peu de recueillement qu’on y observait, ou plutôt des désordres qu’elle occasionnait. En 1849, année de mon arrivée à Mollans, un grand nombre de personnes, constituées en dignité, les autorités en tête, vinrent me prier de rétablir cette procession fondée sans doute primitivement pour rendre au Sacrement Auguste de l’Eucharistie les hommages et la reconnaissance qui sont dus à N.S.J.C. dans ce sacrement… Et je consentis à ce que cette procession se fît. »

Tout s’illuminait ! Les traces claires d’argile disposées à intervalles réguliers au-dessus du linteau de la porte de la chapelle et surmontées d’une traînée de noir de fumée étaient les derniers témoins de cette illumination, car ils avaient été protégés par le soustet qui porte la tribune.
Cette ancienne tradition restaurée n’a pas survécu au XIXe siècle et elle s’éteignit certainement avec les derniers confrères en 1874. Pourtant, en d’autres lieux, à Gorbio par exemple, dans le comté de Nice, subsistent des « processions aux limaces » ainsi que les illuminations correspondantes : le folklore a remplacé la dévotion.

Les Peintres dans la rue vont fêter leurs 40 ans

Initiés en 1984 par Claude Boileau et déclarés officiellement le 19 mai 1989, Les Peintres dans la rue sont des pionniers dans la région. Leurs buts : promouvoir l’art sous toutes ses formes ; organiser des expositions et en particulier une exposition annuelle d’été.
Quelques photos de l’été 1985 nous rappellent ces instants de sympathique convivialité.
En 1987, avec l’inauguration de la chapelle des pénitents partiellement restaurée, c’est le début d’une période faste ; les exposants se disputent l’espace de la Grande Rue jusqu’au Portalet, des numéros marquent les emplacements au sol. La chapelle accueille pour la première fois un invité d’honneur, Jean Bouchet de Mérindol, si ma mémoire ne me fait pas défaut.
Et Claude Boileau s’affaire, comme aujourd’hui Henri Bouyol, pour servir le café.

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La place Haute et la Grande Rue, un peu vides
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Mais elle se remplit rapidement
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Non, Daniel Sue et Henri Fabre n'exposent pas des affiches !
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Claude Boileau, au four et au moulin
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Ce n'est pas un étendage mais des œuvres d'art !
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À l'ombre, c'est pas mal...
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Ici, on ne vend plus de pain...
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Juliette Colin, quelque peu perturbée par la nouveauté

En attendant 1905

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Photographie Fonds Jean Bonnet.

On ne pouvait laisser finir 2005* sans évoquer la loi de Séparation des Églises et de l’État. Non que nous soyons un fanatique des célébrations nationales, loin de là. Mais il nous a semblé amusant d’illustrer par l’anecdote les prémices ruraux d’un texte législatif qui allait bouleverser l’enseignement dans nos campagnes. Nombreux ont été sous l’Ancien Régime les instituteurs laïcs qui ont ensemencé de leur savoir les esprits fertiles des jeunes Mollanais. Toutefois, l’école de filles et l’asile étaient administrés d’une main de fer par des religieuses.
Elles s’étaient installées vers 1846 grâce aux libéralités de Marie Sylvie Cottier qui, dans son testament, avait légué un bâtiment pour loger des religieuses enseignantes.
Puis, à partir de 1863 elles firent classe dans les locaux de la nouvelle mairie ; elles présidaient à l’éducation de 30 enfants et jeunes filles. Une belle photographie, prise aux environs de 1900, nous rappelle cette époque. Les Mollanais reconnaîtront facilement les lieux grâce aux quatre arches qui surplombent la scène.
C’est, à n’en pas douter, la plus ancienne photo de classe conservée à Mollans. Mais tout était-il rose ?
En 1871, les initiatives d’une pédagogie musclée ne sont pas du goût de tout le monde. Jean-Joseph Romieu, dans son livre de raison 1, rapporte les griefs qui sont soulevés en conseil municipal à l’encontre des religieuses. On ne demande pas moins que leur remplacement par des institutrices laïques : « Une foule de plaintes sont portées à l’endroit de la supérieure et de la soeur qui dirigent la grand’classe. D’abord, sans parler de l’instruction de nos jeunes filles qui est en souffrance, ces deux dames agissent avec une partialité très prononcée, elles n’étudient nullement le caractère des enfants placés sous leur direction et au lieu d’agir avec douceur la plupart de ces jeunes filles sont brutalisées. Il est prouvé que bien des pères de famille enlèvent leurs enfants de l’école plus tôt qu’ils ne le feraient si nous avions des institutrices convenables ; il y en a même qui vont à l’école mixte de la commune de Pierrelongue à trois kilomètres de Mollans. » Rien ne va plus.
1880 : nouvelle polémique, dans l’autre sens cette fois : « Si c’était la question de laïcité qu’on voulait viser, je considérais déjà qu’il y avait beaucoup plus de plaintes contre l’instituteur laïque qui dirige l’école des garçons que contre les religieuses dirigeant l’école des filles et l’asile.»
Le décor est planté : Le petit père Combes peut dérouler sa loi !

1. Jean-Joseph Romieu, Mollanais, livre de raison retranscrit par Jean-François Colonat, Les Deux Briefs, 2001.

Cet article a été publié en 2005 dans le n° 4 de Mémoire d’Ouvèze.

La barrette rouge

Dans les années 1950-1960 et peut-être depuis bien plus longtemps encore, circulait,
dans le haut Mollans, une sorte de fable que nos parents et amis nous contaient dans le but inavoué mais implicite de nous éloigner des pentes raides que domine le château : la barrette rouge. C’était, nous expliquait-on, un méchant personnage, qui hantait les ruines du vieux château médiéval et attrapait les petits enfants qui s’aventuraient dans son domaine. Un de nos jeux favoris était, en effet, de se laisser glisser à toute vitesse sur la pente rocheuse, assis sur un carton, une pierre plate ou une planche.
L’existence de ce personnage mystérieux et redoutable m’avait été rapportée une première fois par une vieille demoiselle, Lucie Jarjaille, qui habitait non loin du château, dans une maison sans eau courante, chauffée par une simple cheminée de plâtre qui faisait office de cuisinière. Elle était en effet certainement la dernière villageoise à cuisiner ainsi, dans des chaudrons en fonte posés sur un trépied ou accrochés à une crémaillère, ses soupes et autres préparations.
Une modeste ampoule de quelques watts suffisait à éclairer une pièce sombre, chargée des effluves des cuissons en cours ; cette pièce, laissée dans son « jus », n’avait pas vu de peinture depuis au moins un siècle.
La présence hypothétique de cette « barrette rouge » ne freinait pas nos aventures : de toute façon nous ne l’avions jamais aperçue, même de loin.

Barrette Rouge

Plus tard je me suis interrogé sur l’origine de cette fable. L’hypothèse d’un ecclésiastique de haut rang, un « prince de l’Église », séjournant avant la Révolution au château bas, m’est apparue comme l’explication la plus plausible. Certes, la famille de Simiane, derniers seigneurs du lieu, avait quitté Mollans en 1735 pour aller occuper une demeure plus fastueuse à Valréas. Mais il n’est pas exclu que les plaisirs campagnards n’aient attiré quelque ecclésiastique mitré de leur famille, soucieux de se ressourcer dans ce petit village éloigné des orgueils urbains et de préserver de son autorité le calme de cette villégiature rurale.