Nous avions publié dans les numéros 2 et 7 de Mémoire d’Ouvèze, deux articles sur l’auberge de jeunesse de Mollans, fondée en 1936 par Mme Mouret. Deux volets, La lumière et L’ombre d’une histoire méconnue, surtout des anciens Mollanais !
Ce travail s’appuyait sur un seul document, la thèse d’état de Mme Lucette Heller-Goldenberg, publiée en 1985. Ce volumineux document en deux tomes est disponible sous forme d’e-book, moyennant finances (10.99 €/tome) sur le site Placedeslibraires.fr et en extraits sur Gallica. Nous avions acquis en son temps une version papier, qu’il est possible de consulter aux archives communales (sur RDV). Par ailleurs, nous avons découvert aux archives départementales de Valence, une note de René Dray consacrée au Groupe Mollans, que nous publierons dans le prochain numéro de Lei Coude Trouca.
Si vous êtes intéressé ou souhaitez des renseignements complémentaires nous contacter : amisdemollans@gmail.com, ou aux archives (1er étage de la Grange aux livres) les lundis et jeudis à 14 h.
Alors que le transport des denrées de toutes sortes s’effectuait depuis toujours à dos d’âne, une mutation de première importance eut lieu à la fin du XIXe siècle avec l’arrivée des tombereaux. Il y avait donc urgence à modifier efficacement le profil des rues pour l’adapter à ces nouveaux moyens de transport. C’est ainsi qu’en 1874 l’administration municipale d’Henri Roux, le maire de l’époque, se saisit du dossier et demande au service vicinal d’établir un projet d’urgence. Celui-ci déclare alors que « l’amélioration de la rue de l’Ouvèze est d’une grande utilité pour les habitants de Mollans ».
Pour cette modeste amélioration, le devis se monte à 100 francs. Ce qui est remarquable, c’est l’évolution du profil de la rue, qui passe d’un profil de galets en V de 20 cm au centre à un nouveau profil bombé de 10 cm en terre, bordé de chaque côté de caniveaux de galets de 10 cm pour diriger l’eau tombée des toits vers la rivière. Ainsi, autrefois, le mulet et son muletier progressaient au milieu de la rue et n’était pas arrosé par la pluie des toitures.
Avec l’arrivée des tombereaux avec de très grandes roues et la modification proposée, le mulet circulait toujours au milieu du chemin et les roues du tombereau roulaient dans les caniveaux, sans toucher le sol. Aujourd’hui tout a changé. La voiture automobile a envahi les quartiers, frôlant parfois de quelques centimètres le haut de la chaussée, les roues toujours dans les caniveaux. Et donc on a cru bon de revenir à un profil « à l’ancienne » en « V », comme avant… Plus de caniveaux ni de rigoles et un léger décaissé qui évite aux carters des automobiles de frotter sur le sol et qui guide l’eau de pluie au centre de la rue. Sauf que le piéton du siècle dernier pouvait marcher au centre de la rue, sur le « bombé » évitant ainsi la pluie tombant des toits. Aujourd’hui, soit on circule à pied au centre de la rue et on a de l’eau jusqu’aux chevilles (les cheneaux sont rares…), soit on circule en bord de rue et là, on reçoit toute la pluie des toits, comme les ânes du XIXe siècles.
Les travaux de pavage dans la Grande Rue en 2001
Au final, les ânes ont déserté Mollans, nous, piétons, les avons remplacés !
En 2002, dans un premier essai de lancement d’un 4 pages local, nous avions publié une étude sur la sériciculture mollanaise, dans les archives mais aussi en vrai en vue de l’exposition sur la coupe de monde de football. Ce sont ces quelques pages, retrouvées sur un disque dur, que nous vous présentons.
Chaque année, le 11 novembre, de nombreux Mollanais, d’origine ou de cœur, se retrouvent au pied du monument aux morts, pour écouter les discours nationaux, auxquels succède l’appel aux morts mollanais pour la France. La liste des 26 noms, gravés dans la pierre du monument, rappelle leur sacrifice à leurs descendants ou parents. Mais qui étaient-ils ? Quels ont été leurs parcours ? La célébration du Centenaire de la guerre 14-18 nous a permis de rechercher dans les registres matricules les informations sur ces héros anonymes que nous avons synthétisées dans les fiches présentées à l’exposition de 2018.
Dans notre précédent post, nous avons évoqué l’œuvre littéraire de Théo Chabert, un mollanais du XIXe siècle qui avait quitté Mollans pour la Savoie suite à un dépit amoureux. Parmi ses nombreux poèmes que l’on peut consulter surGallica, il en est un, L’eau mollanaise, qui évoque une propriété méconnue de l’eau de la fontaine au Dauphin et qui pourrait expliquer son succès.
Il est une eau délicieuse, Dont la vertu capricieuse Est d’arrondir certains appas Aux fillettes qui n’en ont pas.
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Accourez joyeuse, À l’eau merveilleuse, Fillette rieuse, Et n’en doutez pas, C’est l’eau Mollanaise, Soyez-en bien aise, Qui fait sans malaise, Croître les appas.
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Vous qu’une faute de corsage Éloignerait du mariage, Venez, buvez et par retour, Vous verrez approcher l’amour.
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Accourez joyeuse, À l’eau merveilleuse, Fillette rieuse, Et n’en doutez pas, C’est l’eau Mollanaise, Soyez-en bien aise, Qui fait sans malaise, Croître les appas.
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Souvent, plus d’une jouvencelle, Malgré le jeu de sa prunelle, Ne peut captiver son amant Faute d’avoir assez d’avant.
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Accourez joyeuse, À l’eau merveilleuse, Fillette rieuse, Et n’en doutez pas, C’est l’eau Mollanaise, Soyez-en bien aise, Qui fait sans malaise, Croître les appas.
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Cette eau, nous disent nos grand’-mères, Nous fit aimer de vos grand-pères, Car bien souvent deux bons tétons Font dot aux pauvres Jeannetons.
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Accourez joyeuse, À l’eau merveilleuse, Fillette rieuse, Et n’en doutez pas, C’est l’eau Mollanaise, Soyez-en bien aise, Qui fait sans malaise, Croître les appas
Le prénom de Théo (Théophile) n’évoque certainement rien pour les Mollanais, même si son nom de famille, Chabert, a laissé quelques traces. Qui était ce personnage, devenu célèbre, grâce à son amitié avec Jules Vallès, acteur de la Commune de Paris.
Article présenté pour les JEP2016
Jules Vallès a rédigé la préface des Canticides, l’œuvre littéraire principale de Chabert que nous donnons ci-dessous. Nous aurons également l’occasion de publier L’eau mollanaise, un poème qui vante les vertus de notre eau…
Après avoir décoconné, Raoul Montaud, son frère Raymond, sa femme Paule, et sa mère Marguerite éliminent la blaze à l’aide d’une déblazeuse. (Fonds R. Montaud)
En 2002, lors de l’exposition à Mollans sur la Corée et le Japon, coordonnée par Gérard Finel, nous avions recherché un lien, un point commun entre le patrimoine de notre village et l’Extrême Orient. Pas évident à première vue, mais la lumière a illuminé nos esprits : la soie ! C’est ainsi que nous nous sommes engagés dans une exposition et une conférence sur l’histoire de la sériciculture à Mollans, telle que nous la révélaient les archives locales. En rangeant les papiers de l’association, nous avons retrouvé plusieurs documents et images exposés pour l’occasion. Nous les publierons sur le site au fur et à mesure de leur dépoussiérage… Pour l’instant arrêtons-nous sur une belle image, communiquée par Mme Paule Montaud, qui représente l’opération de déblazage en famille vers 1945.
Le décoconnage achevé (c’est-à-dire l’opération qui consiste à enlever les cocons des branches de genêts calées dans les canisses), il faut enlever les impuretés et éliminer la blaze formée par les premiers fils de soie qui ont servi au ver à s’arrimer sur les genêts. Cette opération s’appelle le déblazage. On utilise pour cela une machine à déblazer, planche inclinée munie de plusieurs tiges actionnées par une manivelle. Les cocons sont répartis en haut de la machine et la blaze s’accroche sur les tiges en rotation. Les cocons semi-finis sont récupérés dans de grands paniers. De construction très artisanale, ces machines ont terminé leur carrière le plus souvent à la décharge ou dans les cheminées ! Des bricoleurs astucieux ont également conçu des machines pliantes et portatives qui devaient circuler de famille en famille. Une finition manuelle s’avérait souvent nécessaire pour éliminer toute trace de brindilles.
Dans le premier numéro de Mémoire d’Ouvèze, il y a 20 ans…, nous nous interrogions sur la découverte d’un chemin empierré de galets de rivière. Nous reproduisons l’article ci-dessous, accompagné du plan napoléonien et des photos réalisées lors des travaux de la RD5.
« Les prochaines rectifications de la D5 nous ont amenés à suivre l’ancien chemin de Mollans à Entrechaux qui doit, l’espace de deux virages, retrouver son ancienne vocation. Le quartier Saint-Pierre est bien connu pour ses anciens habitats et la proximité des futurs travaux nécessitait une surveillance bienveillante.»
Élargissement de la RD5 en amont du cabanon Chabert
« Point d’indices archéologiques dans la proximité des arbres arrachés. Soulagement. Sur notre lancée nous avons prospecté tout le chemin jusqu’au Toulourenc. Quelle n’a pas été notre surprise de découvrir, dégagée par les ravinements des pluies, une belle calade formée de galets de rivières parfaitement ordonnés, visible sur un mètre de large et s’étendant sur une dizaine de mètres en longueur. On la voit juste après le croisement avec le canal de l’Iscle du Vif qui s’enfonce par une voûte solide sous la route départementale. Dès le premier abord on peut se laisser emporter par la conviction de la découverte d’une ancienne voie romaine – le quartier s’y prête – mais on revient rapidement à une hypothèse plus sage d’un empierrement XVIIIe voire XIXe car cette chaussée a été empruntée jusqu’à la construction de la route actuelle qui franchit la rivière sur un pont édifié au XIXe siècle. Traces d’un autre temps, celui des chevaux, des charrettes et des diligences, à conserver du moins par la photographie, pour témoigner du savoir faire des anciens.»
50 ans ! Cela méritait bien une rétrospective. C’est ce que les Amis de Mollans ont réalisé pour les Journées Européennes du Patrimoine les 21-22 septembre dernier en rappelant les différents volets de leurs actions : archives, patrimoine, éditions, visites, expositions, bibliothèque, photothèque et archéologie, tout cela exposé dans des photographies et une dizaine de roll-up.
Et un billet d’humeur… Reste maintenant un gros point à résoudre pour les 50 années suivantes : qui pour prendre la suite ? Les candidats à l’action ne se sont pas encore manifestés et l’intérêt pour le patrimoine et les archives ne semble pas d’actualité. Il est vrai que cela demande pas mal d’investissement et de rigueur. de la curiosité pour la connaissance de son village : les Amis de Mollans ne sont pas un comité d’animation ! Les apéros sont choses rares, les ballades touristiques et ludiques inexistantes. Et il y a tant de choses à faire : classer, conditionner, restaurer les archives anciennes, travailler et collaborer avec nos élus sur les dossiers de protection du patrimoine bâti, naturel, archéologique ou immatériel et enfin restituer au plus grand nombre par des expositions ou des publications. Il serait dommage que nos archives rejoignent Valence (250 km aller-retour…), que les bâtiments et objets du patrimoine continuent de se dégrader, qu’une négligence coupable deviennent le standard d’une vie de futilités telle qu’on le ressent de plus en plus.
Pour les Journées Européennes du Patrimoine, les samedi et dimanche 21-22 septembre 2024, Les Amis de Mollans présentent aux Archives communales, les quatorze parchemins restaurés en 2023 ainsi que les archives anciennes en cours de traitement. Ces travaux sont réalisés par la commune de Mollans, avec le concours du conseil général de la Drôme et avec l’aide de la Fondation du Crédit Agricole pays de France.
Créés officiellement le 26 août 1974, les Amis de Mollans fêtent leur cinquantenaire les 21 & 22 septembre 2024 lors des Journées Européennes du Patrimoine et profitent de l’occasion pour présenter une rétrospective de leurs actions.
Ces deux derniers mois d’extrême sécheresse, similaires à ceux de 1992 ou de 1745, nous poussent à faire le rapprochement entre ces deux années d’historiques inondations et le mois de septembre qui commence. Météo France nous prédit, avec un indice de confiance toutefois faible, des pluies très abondantes. Nous ne serons pas oiseau de mauvais augure, mais…
Rappelons simplement quelques crues qui ont marqué les siècles passés, telles que les mentionnent les archives. Tout d’abord celle de 1507 au Buis et en février 1581 où « il a fallu employer 3 ou 4 fois les corvées » pour réparer les dégâts. Mais c’est la crue du 21 août 1616 qui causa entre autres de gros dégâts au parapet du pont romain de Vaison, comme celle de 1992 qui semble la plus notable. Celle de 1760 coûta 15.541 livres aux Mollanais avec 115 propriétaires touchés. 1863, c’est au tour du Toulourenc de déborder, au quartier du Sagnas, et de faire se déplacer, sans retour, un coin de Dauphiné vers le Comtat. 1616, 1745, 1863, 1992 : la définition de crues centennales touche au concret !
Que s’est-il passé le 15 septembre 1745 ?
Il pleut beaucoup au Buis : la commune dépensera 61.875 livres en réparations. Le comble est alors atteint à Mollans comme le note le curé Alexis Morenas dans les registres de catholicité de la paroisse, ce qui n’est pas un support ordinaire pour de telles notes, mais les événements consignés sont « dignes de mémoire perpétuelle » ! Lisons-le :« Ce quinze septembre mil sept cent quarante cinq à deux heures après minuit, en suite de quelques tonnerres peu bruiteux, survint une pluie des plus abondantes ; mais comme elle avait été précédée d’une sécheresse de quelques mois qui faisait craindre pour les récoltes encore pendantes, cette pluie nous réjouit d’abord, et nous porta à des remerciements envers Dieu auteur de tous biens : mais comme cette même pluie continua jusque sur le midi et même toujours plus forte accompagnée de plusieurs tonnerres consécutifs, nous commençâmes à en être effrayés d’autant que toutes nos rues étaient inondées et qu’il n’y avait aucune maison qu’on put garantir de l’influence des eaux des couverts et de ceux mêmes qui étaient tous neufs. Cependant nos alarmes se dissipèrent vers le midi ! Mais ce fut pour bien peu de temps ; après un quart d’heure d’intervalle, la pluie recommença avec les tonnerres bien plus forts qu’auparavant. Les nuages affreusement épaissis ne laissaient guère de différences entre le jour et la nuit. Cette pluie dura jusqu’à trois heures et demie. Pendant ce temps là, on vit descendre de nos montagnes une si grande quantité d’eau qu’elle faisait en plusieurs endroits d’espèces de rivières dont plusieurs creusées jusqu’à cinq à six pieds, et tout le reste se divisait en forme de petits sillons qui, emportant le suc des terres, laissaient les arbres tous décharnés et couvraient en certains endroits qui étaient un peu en plaine jusqu’aux pointes des sarments de nos vignes. En même temps nous aperçûmes que notre rivière ne pouvant plus contenir dans son lit, s’extravasa de chaque coté des bas fonds de nos campagnes mais d’une façon si extraordinaire que les plus anciens du pays assurèrent que en 1684 où l’on avait vu une inondation jusqu’alors sans exemple, les eaux ne montèrent pas si haut à beaucoup près ajoutant qu’il s’en fallait d’environ vingt pas. Toutes les fortifications qui étaient le long de la rivière ont été emportées, plusieurs fonds ont eu le même sort. Tous les jardins du faubourg ne sont plus qu’un tas de gravier et les plus hauts, dont les murailles ont toutes été renversées, sont couverts de limon. Les murailles du jardin de Monsieur Ginoux notaire ont été emportées et quantité de ruches à miel ; en dessous du pont, tous les jardins engloutis, le Grand Pré à Monsieur le marquis de Simiane qui est sur la droite de la rivière se trouve à moitié chargé de gravier, et tous ces mêmes côtés jusqu’au dessous de la chapelle de Saint-Marcel est ou chargé du gravier ou du limon. À la gauche la grande chaussée qui faisait tête à toute la Serre a été entièrement emportée, et, jusqu’à la grange du sieur Morenas, ce n’est plus qu’un haut gravier où l’on ne voit plus que des arbres chaussés de broussailles jusqu’aux branches sans distinction de chaussées ni de canaux d’arrosage en sorte que tout ayant disparu aux arbres près on ne peut plus distinguer qu’à ces tristes signes les fonds des particuliers. En dessous de ladite grange il y a moins du dommage à la vérité, mais tout y est au moins chargé du limon qui perd non seulement la récolte pendante mais encore celle de l’année prochaine, étant impossible qu’à la première on puisse remettre ces fonds en état de pouvoir donner des fruits aux propriétaires eu égard aux ravines, aux crevasses, aux creux que toutes ces terres ont souffert et dont le dommage est à proprement parler inestimable ».
Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, ça ne vous rappelle rien ? 240 mm à Mollans, pluie continue et statique pendant trois heures, les escaliers de la mairie les pieds dans l’eau. Photographies de M. Simonet.
Marque au pied des escaliers de la mairie montrant le niveau atteint par l'Ouvèze en 1992
En cette année 2024, quatre-vingtième anniversaire du Débarquement et de la Libération, nous souhaitions nous souvenir des Mollanais qui participèrent aux maquis et en particulier de leur action du 22 août 1944, quelque part entre Sault et Méthamis. C’est cette journée, qui a marqué à jamais leur mémoire, que je souhaite rappeler.
Jean Nanton
Robert Jacquet
En ce début d’année 1944, une poignée de jeunes Mollanais, réfractaires au STO, ont rejoint le maquis Ventoux dans la 2e compagnie du 1er régiment de Vaucluse, contactés par Albert Pantaly. Quelques autres rejoignaient un maquis F.T.P (Ramon Vilalta) ou le maquis Vasio (Raoul Montaud, Jean Cahen, Léopold Walter et Jean Tramontin). Ils vont passer quelques mois de ferme en ferme, tout d’abord à Vercoiran puis à Autane. Début août, ils stationnent dans les environs de Sault, sur la route de Saint-Jean. Après le débarquement en Provence, le 15 août, les maquis vont perturber les mouvements et le reflux des troupes allemandes. C’est ainsi que le 22 août, Jean Alea, Jean Nanton, Robert Jacquet, Pierre Charras, Jean et Pierre Veyrier, Gilbert Mouton, Henri Meffre, Meyer, les frères Monge et une dizaine d’autres dont les noms ont déserté la mémoire de nos anciens, se retrouvent au bord de la route de Sault à Méthamis en position d’embuscade. Les livres d’histoire n’ont retenu que l’engagement d’un groupe d’aviateurs à l’entrée de Sault. Nos Mollanais, en première ligne, venaient juste de rompre le combat, après une violente échauffourée face à une colonne allemande composée de deux chars Tigre et d’une trentaine de véhicules. Il est juste, en ce 80e anniversaire de la Libération de la France, de rappeler cet événement oublié. C’est le témoignage de Jean Nanton et Robert Jacquet, enregistré en 1999, ainsi que celui de Jean Alea, enregistré en août 2004, que nous avons retranscrits. Nous les avons mêlés fictivement comme si les trois compères s’étaient retrouvés, un jour, autour d’un verre, pour nous raconter.
Au bord de la route…
J. ALEA (J. A.) : La veille, j’étais avec Giraud. On était restés là deux, trois jours. On avait coupé des buis, on en avait fait une paillasse et mis une couverture dessus, puis on couchait là. La veille, Giraud – c’était un type qui fumait un peu – d’une cigarette il allumait l’autre… J’étais juste après le virage, derrière mon petit mur. Il y en avait (des membres du groupe, NDLR) à la cime de la montagne ; il y avait Meyer et les deux frères Monge, qui étaient de Sainte-Jalle. Jean Nanton, il était un peu après moi. On était trois groupes de grenadiers. Dans le virage il y avait Begou avec le fusil-mitrailleur et Masson. J. NANTON (J. N.) : Moi on m’avait mis, pour remplacer Jojo qui était malade, caporal-chef grenadier au bord de la route. J’étais pas charmé, mais enfin… Juste au bord de la route. Alors il passe deux types de la Résistance, habillés en résistants et les papiers en règle et un papier signé du père Beyne. C’est pas trop régulier ce que vous avez là. Oh ! Mais il m’a dit : si, c’est régulier. C’était signé du colonel Beyne. Alors j’ai appelé l’adjudant. L’adjudant, il m’a engueulé. Il m’a dit : alors tu sais pas lire. Les autres, ils étaient contents ; …et lui les a laissés passer. Et que, guère après, il est arrivé René, le lieutenant René, avec son chauffeur, le fils Beyne, en moto, et qu’on lui a dit ça. Oh ! Nom de Dieu ! Il a dit. Je vais les rattraper. Oh ! Tè ! JFC : Vous pensez que c’est eux qui… J. N. : Qui nous ont vendus. Ils allaient à la rencontre des Allemands. R. JACQUET (R.J.). : Ils partaient en direction de Méthamis. J. A. : On en avait laissé descendre quatre ou cinq en vélo. Ils étaient tous en règle, bien entendu. J. N. : Alors qu’on devait laisser monter personne… On devait laisser descendre des gens, mais monter personne.
Ils arrivent !
Jean Aléa
J. A. : On était monté à la ferme pour se raser – ça devait faire trois ou quatre jours qu’on ne s’était pas rasés – C’est à 11 heures, 11 heures et demie qu’ils sont arrivés. Il y avait Jauffrey qui était en haut, et c’est Jauffrey qui nous a dit : ils montent ! Il en arrive ! Il a compté 40 véhicules. Il a dit : y en a encore derrière !
R. J. : On a vu arriver le convoi en haut, à la ferme de Saint-Hubert… Oh ! Oui. On a bien vu d’abord : c’était sûr qu’ils étaient prévenus parce qu’ils se sont arrêtés en haut du col et une auto-mitrailleuse s’est mise en batterie, là-haut, et un moment après le convoi est parti à la descente. Mais en même temps toute une équipe à pied a pris la crête et venait pour nous prendre par-derrière. C’est là qu’on a commencé à les laisser avancer. Ils ont commis une erreur tactique en laissant descendre le convoi par la route avant que la colonne à pied ne soit arrivée à notre hauteur. Tout de suite Pantaly m’a demandé de prévenir tout le monde de dégager, mais les Allemands arrivaient déjà en face. J. A. : Entre les arbres je vois arriver « un affaire » plein de branches, et des bonshommes dessus. J’ai dit : celui-là de camion il va en faire un de soleil ! Parce qu’on avait des Gammon. Je dégoupille ma grenade, et quand il a été en face j’ai vu le canon. Oh ! c’est pas un camion ! Il était à peut-être vingt mètres. Je balance ma grenade et je me baisse derrière mon petit mur. Et en étant baissé je dégoupille la deuxième. Et allez, la deuxième ! Quand je me suis relevé il n’y avait ni branche ni bonhomme dessus. Et j’ai rien vu sur la route. Ces Gammon ça secoue. Et après, bien entendu, j’avais fait ce que je devais faire : j’ai filé. Mais les Allemands, ceux du deuxième char, ils sont venus. Quand ils m’ont vu partir, avec leur mitraillette… brrrrrr. Il y en avait sept ou huit : ils m’ont manqué ! Je faisais un peu comme les lapins. Je suis parti en montant. Et quand je suis arrivé presque à la cime… J. N. : Au bout d’un moment on a entendu un bruit de moteur et un grincement de chenille. Quand il a sorti du virage avec toutes les branches dessus, ses soldats assis autour avec la mitraillette entre les jambes… Il me dit : Qu’est-ce que c’est ? Je lui dis : C’est un tank ! Eh ! bé, il m’a dit, on va toucher beau… Il nous a passés comme delà sur la route. On était guère relevés. Les soldats allemands étaient à portée de nous. Moi j’en ai balancé une, un moment après. Tu sais un char qui est comme d’ici au portail de ma voisine. Une grenade Gammon, tu l’envoies pas loin, parce qu’il faut pas qu’elle touche quelque chose. Sur tout ce qu’elle touche elle éclate… R. J. : Moi j’étais en haut avec un FM. Quand j’ai entendu les premiers coups de feu vers la route j’ai balancé deux chargeurs en direction de ceux qui venaient à pied. Ils commençaient à tirer eux aussi. On a commencé à entendre siffler dans les oreilles. J’avais que deux chargeurs, il y avait le Jean Veyrier avec moi, qui était comme serveur ; il avait laissé la musette je sais pas où, avec les chargeurs… Moi j’en avais un dans la poche derrière et un sur le fusil-mitrailleur.
La mort d’Albert Giraud
J. A. : Giraud, il était avec moi. Quand Jauffrey a annoncé qu’il y avait les Allemands il était d’un énervement, Giraud. Je lui ai dit : lève-toi de là, tu vas tous nous faire tuer. Il voulait pas partir. À force de lui dire, il a filé. Moi aussi je suis parti et, à une vingtaine de mètres de la cime, je me suis retourné : Giraud, Nanton et le Pierre Charras. Tous les quatre là ! Ils nous avaient vus d’en bas. Et allez avec leur mitrailleuse lourde de char. On était couché derrière une touffe de chênes, des chênes qui étaient gros comme des bouteilles : pin, pin, pin les ballles ! Si on reste là il y a en une qui va nous empéguer.. Il fallait faire vingt mètres en plein découvert et après on passait par le bois. J’ai pris le fusil, j’ai pas mis longtemps pour traverser. Le Pierre Charras a fait pareil. Et Giraud est parti en troisième. Et c’est là comme il arrivait au bois qu’il a été tué. Et Nanton il a pas bougé quand il a vu ça. Il est allé voir après. Il y a que lui qui savait que Giraud était mort. J. N. : J’ai tiré après que Giraud ait été tué. Je me suis trouvé en dessus de la route, et je voulais monter, passer près de la ferme où des fois on allait chercher un peu du vin… R. J. : Ou casser la croûte… La ferme à Simon. J. N. : Et quand je suis été à mi-chemin – c’était un ancien champ de blé – j’ai vu courir des soldats allemands et installer une mitrailleuse à l’angle de la ferme. Alors j’ai obliqué sur la gauche et je suis descendu, pas par le bord de la route parce qu’il fallait pas être au bord de la route : il y en avait de partout. C’est là que j’ai reçu un éclat d’obus de mortier à l’arcade sourcilière. R. J. : Tu es revenu alors par la route de Sault ? J. N. : Je suis allé traverser le ravin de l’autre côté de là où on était pour aller au croisement. J’ai dit peut-être tu retrouveras les autres ? Il y avait plus personne. Alors j’ai dit qu’est-ce que tu vas faire ? Tu vas, tu vas… D’abord premièrement ma première idée : regarder le Ventoux. J’ai dit : tu as à peu près pour manger puis pour te couvrir ; tu vas traverser le Ventoux, tu vas à Mollans. R. J. : Nous on est parti de l’autre côté, là-haut. On a passé le sommet puis on est redescendu dans le vallon où il y avait la ferme, on a traversé un champ de lavande… J. N. : Ah ! oui, le fameux champ de lavande… R. J. : Ah ! pauvre… J. N. : Moi je l’avais évité… R. J. : Ils nous tiraient dessus, je ne sais pas comment on est arrivé au bout. Tu sais qu’on a fait un cent mètres que… On a dû battre des records. J. N. : J’ai attendu un moment, tu vois, quand Giraud a été tué. J’ai attendu un moment : il faut bien savoir s’il est mort, si vraiment il est mort ; il était à côté de moi.
Le repli
J. A. : Moi j’avais mon plan. J’ai filé en direction du croisement de la route qui menait à Méthamis et celle qui allait à Javon. Et après tu files vers le Ventoux. Si tu peux arriver à Sault avant les Allemands… Quand je suis arrivé dans Sault les Allemands étaient sur le pont là-bas dessous. Entre Sault et là où on était il y avait encore un barrage d’aviateurs. Là ça a duré maï un moment. Après je suis parti vers Ferrassières et de là à Séderon. JFC : Si j’ai bien compris, il y avait deux groupes ? R. J. : C’était le même groupe qui était échelonné… J. N. : Réparti… Il y avait deux fusils-mitrailleurs et deux mitrailleuses. JFC (à R.J.) : Vous, vous aviez un fusil-mitrailleur… J. N. : Et l’autre qui c’était ? R. J. : Je ne me rappelle plus… J. N. : Le gendarme, ah ! nom de nom… Béroud ! Béroud, il avait avec lui le cousin de Colin, le maçon, tu te rappelles, le maçon et le maire de Chauvac actuellement, Samuel, le cousin de Pantaly. Il avait ces deux gars avec lui, il était chef de poste pour ainsi dire… Mais c’est lui qui a tiré ; il a dit : « Quand les Allemands arrivent : laissez-moi faire. En 39, en Ubaye, là-haut, j’en ai assaisonné quelques- uns comme ça. Je sais m’en servir de ça! » JFC : Et les mitrailleuses, qui les servait ? J. N. : Eh bé ! Meyer, il en avait une. Et l’autre, je sais pas qui c’était… Aquadro, Aquadro de Sainte-Jalle.
JFC : À la suite de ça vous vous êtes repliés et vous avez regagné… J. N. : Sault. Vous avez regagné Sault vous autres, directement ? R. J. : Non, on est allé sur Banon et à Sault le lendemain. Quelques jours après, nous avons rejoint les autres unités en Avignon et nous avons participé au défilé dans la ville libérée.
Le défilé des combattants du maquis Ventoux, sur la place de l’Horloge en Avignon en septembre 1944. Coll. Jacquet.
Jean Aléa (de dos, à gauche) est décoré de la Croix de Guerre, avec d’autres compagnons sous le regard de Jean Garcin (colonel Bayard, à gauche) et du colonel Beyne (il porte un calot). Coll. Alea.
Les compagnons du maquis Ventoux (noms soulignés) posent la stèle. De gauche à droite, en haut : Gabriel Roux, Jean Tyrand, Albert Pantaly ; en bas : Gilbert Mouton, Robert Jacquet, René Meyer . Coll. Jacquet.
Jean Nanton et Robert Jacquet devant la stèle d'Albert Giraud.
S’il est un lieu commun aujourd’hui c’est bien de parler d’eau et, de fait, la gestion de cette ressource essentielle commence à devenir préoccupante ; la diminution des ressources et l’augmentation des besoins est la marque de notre époque. En 2015 nous avons fêté le Tricentenaire de la fontaine au dauphin, enfin 300 ans + 1 an, pour cause d’élections municipales ! À cette occasion, de nombreuses animations ont été concoctées par les associations locales autour d’un projet fédérateur. C’est dans ce contexte que Michel Hugues avec les Amis de Mollans a réalisé une vidéo qui retrace l’aventure aquatique du village depuis la première recherche de source en 1713 jusqu’à la création du réseau des fontaines.
Dans les années 1950-1960 et peut-être depuis bien plus longtemps encore, circulait, dans le haut Mollans, une sorte de fable que nos parents et amis nous contaient dans le but inavoué mais implicite de nous éloigner des pentes raides que domine le château : la barrette rouge. C’était, nous expliquait-on, un méchant personnage, qui hantait les ruines du vieux château médiéval et attrapait les petits enfants qui s’aventuraient dans son domaine. Un de nos jeux favoris était, en effet, de se laisser glisser à toute vitesse sur la pente rocheuse, assis sur un carton, une pierre plate ou une planche. L’existence de ce personnage mystérieux et redoutable m’avait été rapportée une première fois par une vieille demoiselle, Lucie Jarjaille, qui habitait non loin du château, dans une maison sans eau courante, chauffée par une simple cheminée de plâtre qui faisait office de cuisinière. Elle était en effet certainement la dernière villageoise à cuisiner ainsi, dans des chaudrons en fonte posés sur un trépied ou accrochés à une crémaillère, ses soupes et autres préparations. Une modeste ampoule de quelques watts suffisait à éclairer une pièce sombre, chargée des effluves des cuissons en cours ; cette pièce, laissée dans son « jus », n’avait pas vu de peinture depuis au moins un siècle. La présence hypothétique de cette « barrette rouge » ne freinait pas nos aventures : de toute façon nous ne l’avions jamais aperçue, même de loin.
Plus tard je me suis interrogé sur l’origine de cette fable. L’hypothèse d’un ecclésiastique de haut rang, un « prince de l’Église », séjournant avant la Révolution au château bas, m’est apparue comme l’explication la plus plausible. Certes, la famille de Simiane, derniers seigneurs du lieu, avait quitté Mollans en 1735 pour aller occuper une demeure plus fastueuse à Valréas. Mais il n’est pas exclu que les plaisirs campagnards n’aient attiré quelque ecclésiastique mitré de leur famille, soucieux de se ressourcer dans ce petit village éloigné des orgueils urbains et de préserver de son autorité le calme de cette villégiature rurale.
Réalisé sous la direction de Marie-Élise Porqueddu et Laurine Viel, il passe en revue les différentes cavités repérées en 1783 (voir lettre à M. de Saint-Vincent) puis fouillées en 1914 par les frères Catelan puis par Rosello en 1960 et apporte un regard actualisé sur l’occupation du site. Première étape d’un travail qui devrait se poursuivre par des analyses C14 en 2024. Une présentation publique de ce travail pourrait être organisé en fin d’année à Mollans.