22 août 1944 : quelques Mollanais au maquis *

En cette année 2024, quatre-vingtième anniversaire du Débarquement et de la Libération, nous souhaitions nous souvenir des Mollanais qui participèrent aux maquis et en particulier de leur action du 22 août 1944, quelque part entre Sault et Méthamis. C’est cette journée, qui a marqué à jamais leur mémoire, que je souhaite rappeler.

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Jean Nanton
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Robert Jacquet

En ce début d’année 1944, une poignée de jeunes Mollanais, réfractaires au STO, ont rejoint le maquis Ventoux dans la 2e compagnie du 1er régiment de Vaucluse, contactés par Albert Pantaly. Quelques autres rejoignaient un maquis F.T.P (Ramon Vilalta) ou le maquis Vasio (Raoul Montaud, Jean Cahen, Léopold Walter et Jean Tramontin).
Ils vont passer quelques mois de ferme en ferme, tout d’abord à Vercoiran puis à Autane. Début août, ils stationnent dans les environs de Sault, sur la route de Saint-Jean. Après le débarquement en Provence, le 15 août, les maquis vont perturber les mouvements et le reflux des troupes allemandes.
C’est ainsi que le 22 août, Jean Alea, Jean Nanton, Robert Jacquet, Pierre Charras, Jean et Pierre Veyrier, Gilbert Mouton, Henri Meffre, Meyer, les frères Monge et une dizaine d’autres dont les noms ont déserté la mémoire de nos anciens, se retrouvent au bord de la route de Sault à Méthamis en position d’embuscade. Les livres d’histoire n’ont retenu que l’engagement d’un groupe d’aviateurs à l’entrée de Sault. Nos Mollanais, en première ligne, venaient juste de rompre le combat, après une violente échauffourée face à une colonne allemande composée de deux chars Tigre et d’une trentaine de véhicules. Il est juste, en ce 80e anniversaire de la Libération de la France, de rappeler cet événement oublié.
C’est le témoignage de Jean Nanton et Robert Jacquet, enregistré en 1999, ainsi que celui de Jean Alea, enregistré en août 2004, que nous avons retranscrits. Nous les avons mêlés fictivement comme si les trois compères s’étaient retrouvés, un jour, autour d’un verre, pour nous raconter.

Au bord de la route…

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J. ALEA (J. A.) : La veille, j’étais avec Giraud. On était restés là deux, trois jours. On avait coupé des buis, on en avait fait une paillasse et mis une couverture dessus, puis on couchait là. La veille, Giraud – c’était un type qui fumait un peu – d’une cigarette il allumait l’autre… J’étais juste après le virage, derrière mon petit mur. Il y en avait (des membres du groupe, NDLR) à la cime de la montagne ; il y avait Meyer et les deux frères Monge, qui étaient de Sainte-Jalle. Jean Nanton, il était un peu après moi. On était trois groupes de grenadiers. Dans le virage il y avait Begou avec le fusil-mitrailleur et Masson.
J. NANTON (J. N.) : Moi on m’avait mis, pour remplacer Jojo qui était malade, caporal-chef grenadier au bord de la route. J’étais pas charmé, mais enfin… Juste au bord de la route. Alors il passe deux types de la Résistance, habillés en résistants et les papiers en règle et un papier signé du père Beyne. C’est pas trop régulier ce que vous avez là. Oh ! Mais il m’a dit : si, c’est régulier. C’était signé du colonel Beyne. Alors j’ai appelé l’adjudant. L’adjudant, il m’a engueulé. Il m’a dit : alors tu sais pas lire.
Les autres, ils étaient contents ; …et lui les a laissés passer. Et que, guère après, il est arrivé René, le lieutenant René, avec son chauffeur, le fils Beyne, en moto, et qu’on lui a dit ça. Oh ! Nom de Dieu ! Il a dit. Je vais les rattraper. Oh ! Tè !
JFC : Vous pensez que c’est eux qui…
J. N. : Qui nous ont vendus. Ils allaient à la rencontre des Allemands.
R. JACQUET (R.J.). : Ils partaient en direction de Méthamis. 
J. A. : On en avait laissé descendre quatre ou cinq en vélo. Ils étaient tous en règle, bien entendu.
J. N. : Alors qu’on devait laisser monter personne… On devait laisser descendre des gens, mais monter personne.

Ils arrivent !

Jean Alea Au Cours D'un Entretien Chez Lui Le 18 Août 2004
Jean Aléa

J. A. : On était monté à la ferme pour se raser – ça devait faire trois ou quatre jours qu’on ne s’était pas rasés – C’est à 11 heures, 11 heures et demie qu’ils sont arrivés. Il y avait Jauffrey qui était en haut, et c’est Jauffrey qui nous a dit : ils montent ! Il en arrive ! Il a compté 40 véhicules. Il a dit : y en a encore derrière !

R. J. : On a vu arriver le convoi en haut, à la ferme de Saint-Hubert… Oh ! Oui. On a bien vu d’abord : c’était sûr qu’ils étaient prévenus parce qu’ils se sont arrêtés en haut du col et une auto-mitrailleuse s’est mise en batterie, là-haut, et un moment après le convoi est parti à la descente. Mais en même temps toute une équipe à pied a pris la crête et venait pour nous prendre par-derrière. C’est là qu’on a commencé à les laisser avancer. Ils ont commis une erreur tactique en laissant descendre le convoi par la route avant que la colonne à pied ne soit arrivée à notre hauteur. Tout de suite Pantaly m’a demandé de prévenir tout le monde de dégager, mais les Allemands arrivaient déjà en face.
J. A. : Entre les arbres je vois arriver « un affaire » plein de branches, et des bonshommes dessus. J’ai dit : celui-là de camion il va en faire un de soleil ! Parce qu’on avait des Gammon. Je dégoupille ma grenade, et quand il a été en face j’ai vu le canon. Oh ! c’est pas un camion ! Il était à peut-être vingt mètres. Je balance ma grenade et je me baisse derrière mon petit mur. Et en étant baissé je dégoupille la deuxième. Et allez, la deuxième ! Quand je me suis relevé il n’y avait ni branche ni bonhomme dessus. Et j’ai rien vu sur la route. Ces Gammon ça secoue. Et après, bien entendu, j’avais fait ce que je devais faire : j’ai filé. Mais les Allemands, ceux du deuxième char, ils sont venus. Quand ils m’ont vu partir, avec leur mitraillette… brrrrrr. Il y en avait sept ou huit : ils m’ont manqué ! Je faisais un peu comme les lapins. Je suis parti en montant. Et quand je suis arrivé presque à la cime…
J. N. : Au bout d’un moment on a entendu un bruit de moteur et un grincement de chenille. Quand il a sorti du virage avec toutes les branches dessus, ses soldats assis autour avec la mitraillette entre les jambes… Il me dit : Qu’est-ce que c’est ? Je lui dis : C’est un tank ! Eh ! bé, il m’a dit, on va toucher beau… Il nous a passés comme delà sur la route. On était guère relevés. Les soldats allemands étaient à portée de nous. Moi j’en ai balancé une, un moment après. Tu sais un char qui est comme d’ici au portail de ma voisine. Une grenade Gammon, tu l’envoies pas loin, parce qu’il faut pas qu’elle touche quelque chose. Sur tout ce qu’elle touche elle éclate…
R. J. : Moi j’étais en haut avec un FM. Quand j’ai entendu les premiers coups de feu vers la route j’ai balancé deux chargeurs en direction de ceux qui venaient à pied. Ils commençaient à tirer eux aussi. On a commencé à entendre siffler dans les oreilles. J’avais que deux chargeurs, il y avait le Jean Veyrier avec moi, qui était comme serveur ; il avait laissé la musette je sais pas où, avec les chargeurs… Moi j’en avais un dans la poche derrière et un sur le fusil-mitrailleur.

La mort d’Albert Giraud

J. A. : Giraud, il était avec moi. Quand Jauffrey a annoncé qu’il y avait les Allemands il était d’un énervement, Giraud. Je lui ai dit : lève-toi de là, tu vas tous nous faire tuer. Il voulait pas partir. À force de lui dire, il a filé. Moi aussi je suis parti et, à une vingtaine de mètres de la cime, je me suis retourné : Giraud, Nanton et le Pierre Charras. Tous les quatre là ! Ils nous avaient vus d’en bas. Et allez avec leur mitrailleuse lourde de char. On était couché derrière une touffe de chênes, des chênes qui étaient gros comme des bouteilles : pin, pin, pin les ballles ! Si on reste là il y a en une qui va nous empéguer.. Il fallait faire vingt mètres en plein découvert et après on passait par le bois. J’ai pris le fusil, j’ai pas mis longtemps pour traverser. Le Pierre Charras a fait pareil. Et Giraud est parti en troisième. Et c’est là comme il arrivait au bois qu’il a été tué. Et Nanton il a pas bougé quand il a vu ça. Il est allé voir après. Il y a que lui qui savait que Giraud était mort.
J. N. : J’ai tiré après que Giraud ait été tué. Je me suis trouvé en dessus de la route, et je voulais monter, passer près de la ferme où des fois on allait chercher un peu du vin…
R. J. : Ou casser la croûte… La ferme à Simon.
J. N. : Et quand je suis été à mi-chemin – c’était un ancien champ de blé – j’ai vu courir des soldats allemands et installer une mitrailleuse à l’angle de la ferme. Alors j’ai obliqué sur la gauche et je suis descendu, pas par le bord de la route parce qu’il fallait pas être au bord de la route : il y en avait de partout. C’est là que j’ai reçu un éclat d’obus de mortier à l’arcade sourcilière.
R. J. : Tu es revenu alors par la route de Sault ?
J. N. : Je suis allé traverser le ravin de l’autre côté de là où on était pour aller au croisement. J’ai dit peut-être tu retrouveras les autres ? Il y avait plus personne. Alors j’ai dit qu’est-ce que tu vas faire ? Tu vas, tu vas… D’abord premièrement ma première idée : regarder le Ventoux. J’ai dit : tu as à peu près pour manger puis pour te couvrir ; tu vas traverser le Ventoux, tu vas à Mollans.
R. J. : Nous on est parti de l’autre côté, là-haut. On a passé le sommet puis on est redescendu dans le vallon où il y avait la ferme, on a traversé un champ de lavande…
J. N. : Ah ! oui, le fameux champ de lavande…
R. J. : Ah ! pauvre…
J. N. : Moi je l’avais évité…
R. J. : Ils nous tiraient dessus, je ne sais pas comment on est arrivé au bout. Tu  sais qu’on a fait un cent mètres que… On a dû battre des records.
J. N. : J’ai attendu un moment, tu vois, quand Giraud a été tué. J’ai attendu un moment : il faut bien savoir s’il est mort, si vraiment il est mort ; il était à côté de moi.

Le repli

J. A. : Moi j’avais mon plan. J’ai filé en direction du croisement de la route qui menait à Méthamis et celle qui allait à Javon. Et après tu files vers le Ventoux. Si tu peux arriver à Sault avant les Allemands… Quand je suis arrivé dans Sault les Allemands étaient sur le pont là-bas dessous. Entre Sault et là où on était il y avait encore un barrage d’aviateurs. Là ça a duré maï un moment. Après je suis parti vers Ferrassières et de là à Séderon.
JFC : Si j’ai bien compris, il y avait deux groupes ?
R. J. : C’était le même groupe qui était échelonné…
J. N. : Réparti… Il y avait deux fusils-mitrailleurs et deux mitrailleuses.
JFC (à R.J.) : Vous, vous aviez un fusil-mitrailleur…
J. N. : Et l’autre qui c’était ?
R. J. : Je ne me rappelle plus…
J. N. : Le gendarme, ah ! nom de nom… Béroud ! Béroud, il avait avec lui le cousin de Colin, le maçon, tu te rappelles, le maçon et le maire de Chauvac actuellement, Samuel, le cousin de Pantaly. Il avait ces deux gars avec lui, il était chef de poste pour ainsi dire… Mais c’est lui qui a tiré ; il a dit : « Quand les Allemands arrivent : laissez-moi faire. En 39, en Ubaye, là-haut, j’en ai assaisonné quelques- uns comme ça. Je sais m’en servir de ça! »
JFC : Et les mitrailleuses, qui les servait ?
J. N. : Eh bé ! Meyer, il en avait une. Et l’autre, je sais pas qui c’était… Aquadro, Aquadro de Sainte-Jalle.

JFC : À la suite de ça vous vous êtes repliés et vous avez regagné…
J. N. : Sault. Vous avez regagné Sault vous autres, directement ?
R. J. : Non, on est allé sur Banon et à Sault le lendemain. Quelques jours après, nous avons rejoint les autres unités en Avignon et nous avons participé au défilé dans la ville libérée.

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Le défilé des combattants du maquis Ventoux, sur la place de l’Horloge en Avignon en septembre 1944. Coll. Jacquet.
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Jean Aléa (de dos, à gauche) est décoré de la Croix de Guerre, avec d’autres compagnons sous le regard de Jean Garcin (colonel Bayard, à gauche) et du colonel Beyne (il porte un calot). Coll. Alea.
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Les compagnons du maquis Ventoux (noms soulignés) posent la stèle. De gauche à droite, en haut : Gabriel Roux, Jean Tyrand, Albert Pantaly ; en bas : Gilbert Mouton, Robert Jacquet, René Meyer . Coll. Jacquet.
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Jean Nanton et Robert Jacquet devant la stèle d'Albert Giraud.

La foire aux cocos 2024

Affiche Cultiv'ailleurs Def Reduit
Cocos 2024 Reduit

Deux expositions dans l’ancien moulin à huile qui fête cette année ses 300 ans :

Cultiv’Ailleurs, exposition de photos de Michel Chauvet,
nous montre les pratiques culturales de pays bien loin de Mollans.

Le moulin à huile dans le jeu de Paume, exposition des Amis de Mollans,
qui retrace en photos et dessins l’histoire des moulins à huile de Mollans.

À voir du 18 au 25 août de 10 h à 12 h 30 et de 15 h à 18 h 30

1724-2024 : Il y a 300 ans, le moulin à huile dans le jeu de paume

Affiche Cocos Moulin V4

Les traces les plus anciennes évoquant un moulin à huile banal appartenant à la communauté de Mollans remontent à 1544, lors d’un bail le confiant à ce que l’on n’appelait pas encore un moulinier.  
En 1724, les récoltes d’olives ayant repris de la vigueur après le grand gel de 1709 qui a tué les oliviers, les capacités du moulin à huile dit moulin vieux se révélant trop petites, la construction d’un nouveau moulin est votée par l’assemblée des habitants.
Il est construit dans le jeu de paume alors en ruine, étendu par le percement du rempart afin d’installer les meules.
Ce sera l’occasion dans un premier temps de moderniser le détritage par la disparition du moulin à sang conduit par les mulets et par l’installation d’une roue à eau pour faire tourner les coupes.
Au cours du temps et sans grandes évolutions techniques, le moulin à huile et à grignons reste moulin banal et communal jusqu’à la Révolution où sa vente par les domaines est attribuée à M. Curnier, habitant de Mollans qui constitue  rapidement une société avec divers habitants de Mollans parmi les plus aisés.
Plusieurs sociétés se succèdent jusqu’au début du XXe siècle. Elles amènent différents changements entre autre la mise en fonction du canal alimentant le moulin après le percement du canal de Grange Neuve. La fin du XIXe et le début du XXe siècle, voient l’abandon des pressoirs ancestraux pour les remplacer par des pressoirs en fonte alimentés par la turbine puis à l’électricité.
Quatre propriétaires vont exploiter le moulin au cours du XXe siècle.
Le gel de 1956 oblige les mouliniers à fermer le moulin quelques années puis il ouvre de nouveau sous le nom de moulin Chauvet. Nouvelle fermeture en 1977 après la mort de Jean Chauvet et réouverture avec Francis Jacquet en 1995 pour une période de 20 ans.

2015, le moulin se tait définitivement.

Le moulin est ce bâtiment ancien toujours en place face à la mairie de Mollans, qui fête cette année ses 300 ans. Il est toujours équipé des presses anciennes en fonte, d’une presse moderne et de sa coupe, tels que laissées lors de la fermeture.
Les propriétaires actuels permettent gentiment aux Amis de Mollans de marquer cet anniversaire par une exposition retraçant cette longue histoire, établie grâce aux archives municipales,  et de photos du fonctionnement durant la seconde moitié du XXe siècle.
On pourra aussi y retrouver la revue Lei Coude Trouca de 2022, consacrée au patrimoine villageois, qui consacre un long dossier à plus de cinq siècles (XVIe au XXe s.) de présence d’un moulin à huile à Mollans.

Moulin à huile de Mollans- face à la mairie
Ouverture du 18 au 25 août .
Horaires 10 h -12 h 30 & 15 h-18 h 30.

Les blancs de Blanc : les cocos de Mollans

Le titre de cette chronique  pourrait vous faire penser à un quelconque mousseux, à une lessive qui lave mieux que les autres ou à un parti politique de gauche. La juxtaposition des termes est d’ailleurs croustillante. C’est d’un légume universellement connu qu’il s’agit. Une simple histoire de haricots. Oui, mais quels haricots !
En consultant l’Internet, j’ai eu l’agréable surprise sur le site d’un chef réputé, Alain Ducasse, de découvrir que les cocos de Mollans agrémentaient un de ses menus : Limousin lamb, “haricot de mouton stew-style with “Cocos de Mollans” white beans. » Excusez du peu. Ce n’est donc pas de cuisine dont je vais vous entretenir, mais d’un ingrédient de la gastronomie française !
Les haricots viennent, comme la tomate, le poivron et bien d’autres légumes, des Amériques. Phaseolus est le nom générique de ce qui rassemble pas moins de 30 000 variétés de haricots. Et parmi toutes celles-là, il y a les inimitables cocos de Mollans, et en premier lieu, aujourd’hui, les blancs de Blanc. Pourquoi donc une majuscule à Blanc ? Tout simplement parce que c’est M. André Blanc, au quartier de La Jonche, qui est l’inventeur d’un haricot… blanc.
Nous avons rencontré sa fille, Vally Laget, née Blanc, et elle nous a conté l’histoire de ce merveilleux légume. Nous avons reconstitué notre dialogue : « Mon arrière-grand-père, après avoir quitté le moulin de la Blache à Eygaliers pour raison de santé, était venu s’installer à Mollans à la fin du XIXe siècle. Mon grand-père, Adrien, avait épousé Julie Pons d’Entrechaux. Quant à mon père, André, il est né à Mollans en 1907. Il a épousé Simone Clarisse, aussi d’Entrechaux.
Nous habitions dans une ferme à La Jonche. Et, contrairement à d’autres agriculteurs, notre récolte principale c’était les cocos. La plupart de nos terres étaient à l’arrosage.
Le terrain caillouteux de La Jonche donnait de meilleurs haricots qu’à L’Iscle par exemple, où le sol est argileux. À L’Iscle, les haricots sont plus gros, plus beaux, mais à La Jonche, même quand il a plu ils ne pourrissent pas. Ceux de L’Iscle sont aussi plus durs à la cuisson et plus farineux.
Nous avions deux variétés de cocos : les « précoces », qui venaient en deux mois et demi, et les «gros» qui mettaient trois mois pour arriver à maturité. Les variétés nouvelles comme le Manosque ne sont arrivées que bien plus tard. Quant au blanc de Blanc c’est en 1980 qu’il a fait son apparition.
Des haricots, tout le monde en faisait. Il n’y avait pas d’organisation coordonnée de producteurs, comme aujourd’hui le Syndicat des cocos. C’était chacun pour soi ! »

Comment cultive-t-on ces cocos ?

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Les cocos de Mollans
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« Mon père semait environ 100 kg de semence sur 6 – 7 ha ; il produisait lui-même sa semence d’une année sur l’autre en sélectionnant à la récolte les plus belles gousses. Il ne fallait pas semer avant la Saint-Marc, jour de fête à Mollans, le 25 avril. On semait d’abord des « gros ». La récolte s’échelonnait donc de la mi-juillet jusqu’à la mi-octobre. Sur les terres retournées après la moisson on mettait des précoces, au plus tard fin juillet. Pour les « gros » il ne fallait pas passer le 22 juillet. Parfois des gelées à la Saint-Michel clôturaient la campagne.
On semait en plots de 3, distants de 15-18 cm, à la main. À quasi-maturité, un premier ramassage sur les plantes enlevait les plus belles gousses, suivi quelques jours plus tard par l’arrachage qui devait être très méticuleux. Il ne fallait surtout pas que la terre vienne salir les haricots. Et donc on arrachait les plants par poignées et on maintenait les racines en l’air en formant de petits tas. Puis on chargeait la charrette en deux rangées vis-à-vis seulement. »
Le rendement est quelque chose de secret chez le cultivateur de haricots. Certains d’entre eux, vieille habitude paysanne, minimisent la productivité : « écris pas plus de 2 t/ha dans ton article…». Au cas où l’on ferait la multiplication (je l’ai faite…). D’autres sont beaucoup plus optimistes : 3-4 t/ha. Bref, comme on dit, ça dépend…
La séparation des cosses et des rames était également très minutieuse. Assis sur une caisse, on prenait les plantes en veillant à maintenir la terre du même côté, puis on enlevait les cosses qu’on classait, en fonction de leurs qualités, dans différentes caisses : une pour les beaux, une pour les fanés et une pour les beaux-fanés qui allaient servir pour la semence, et une dernière caisse pour les tout-venants, les « passis ». « On portait nos haricots à des négociants, à Mollans. Le plus gros c’était Abel Blanc, à la Fontaine », mais il y avait aussi Albert Bonnet et Abel Jouve, comme nous l’a indiqué Raymond Rossi. Les cocos étaient expédiés par le petit train vers Lyon, quai Saint-Antoine, ou à Marseille. Ils étaient conditionnés en bauges, des sacs en toile de jute ; puis, plus tard, on a utilisé des banastes avec un couvercle qu’on appelait des « mussy ». En pleine production c’est 1 ou 2 wagons par jour qui quittaient Mollans. Après l’arrêt de la ligne de chemin de fer en 1952, il a fallu aller aux marchés, d’abord celui de Vaison, puis celui de Carpentras, et même de Châteaurenard.
La célébration de la récolte ne s’accompagnait pas d’une fête, dans les années 30 ou 40, comme pour les moissons ou les vendanges.

Et nos blancs de Blanc ?

De quoi s’agit-il ? Ce sont des cocos dont les cosses sont parfaitement blanches, grosses et sans défaut et ce même avant d’être arrivés à complète maturité. D’où viennent-ils ? Je ne trahirai aucun secret en disant que c’est M. Blanc qui, étant à court de sa propre semence, en a acheté on ne sait où, à Vaison peut-être ; et il a eu des plantes toutes blanches : il était tombé sur un lot particulièrement remarquable qu’il a ensuite stabilisé d’année en année par sélection des plus belles cosses. À un moment donné il n’y avait que lui qui avait ce haricot-là. « Même pas mûrs ils sont blancs. » Et quand il arrivait sur le marché de Carpentras, les acheteurs se les disputaient. Ce haricot a la particularité de n’avoir pas de chlorophylle. Et c’est cela qui plaît. C’est un peu comme les lisses golden jaunes et les petites pommes roses et rabougries dont je vous entretiens dans l’article sur la panaille. « Il faut reconnaître que ces haricots-là n’ont pas le même goût que les autres. Notamment ils se rapprochent plus du haricot précoce que des gros », souligne Vally Laget. Certains à Mollans, rares, ont conservé et reproduisent leur ancienne semence, et proposent à une vente confidentielle des « anciens ».
Pour ma part je me mouillerai en donnant ma préférence : j’ai un penchant pour les cocos anciens, car ils ont, à mon sens, une peau plus fine et plus digeste, surtout lorsqu’on les consomme tièdes en salade, avec une lichette d’huile d’olive. Mais il est vrai qu’avec une bonne saucisse et un peu de tomate il est peut-être plus difficile de faire la différence.
Ai-je tout dit sur ces blancs de Blanc ? Pas tout à fait, mais c’est un secret…
Et comme tout secret ça doit rester secret.