En attendant 1905

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Photographie Fonds Jean Bonnet.

On ne pouvait laisser finir 2005* sans évoquer la loi de Séparation des Églises et de l’État. Non que nous soyons un fanatique des célébrations nationales, loin de là. Mais il nous a semblé amusant d’illustrer par l’anecdote les prémices ruraux d’un texte législatif qui allait bouleverser l’enseignement dans nos campagnes. Nombreux ont été sous l’Ancien Régime les instituteurs laïcs qui ont ensemencé de leur savoir les esprits fertiles des jeunes Mollanais. Toutefois, l’école de filles et l’asile étaient administrés d’une main de fer par des religieuses.
Elles s’étaient installées vers 1846 grâce aux libéralités de Marie Sylvie Cottier qui, dans son testament, avait légué un bâtiment pour loger des religieuses enseignantes.
Puis, à partir de 1863 elles firent classe dans les locaux de la nouvelle mairie ; elles présidaient à l’éducation de 30 enfants et jeunes filles. Une belle photographie, prise aux environs de 1900, nous rappelle cette époque. Les Mollanais reconnaîtront facilement les lieux grâce aux quatre arches qui surplombent la scène.
C’est, à n’en pas douter, la plus ancienne photo de classe conservée à Mollans. Mais tout était-il rose ?
En 1871, les initiatives d’une pédagogie musclée ne sont pas du goût de tout le monde. Jean-Joseph Romieu, dans son livre de raison 1, rapporte les griefs qui sont soulevés en conseil municipal à l’encontre des religieuses. On ne demande pas moins que leur remplacement par des institutrices laïques : « Une foule de plaintes sont portées à l’endroit de la supérieure et de la soeur qui dirigent la grand’classe. D’abord, sans parler de l’instruction de nos jeunes filles qui est en souffrance, ces deux dames agissent avec une partialité très prononcée, elles n’étudient nullement le caractère des enfants placés sous leur direction et au lieu d’agir avec douceur la plupart de ces jeunes filles sont brutalisées. Il est prouvé que bien des pères de famille enlèvent leurs enfants de l’école plus tôt qu’ils ne le feraient si nous avions des institutrices convenables ; il y en a même qui vont à l’école mixte de la commune de Pierrelongue à trois kilomètres de Mollans. » Rien ne va plus.
1880 : nouvelle polémique, dans l’autre sens cette fois : « Si c’était la question de laïcité qu’on voulait viser, je considérais déjà qu’il y avait beaucoup plus de plaintes contre l’instituteur laïque qui dirige l’école des garçons que contre les religieuses dirigeant l’école des filles et l’asile.»
Le décor est planté : Le petit père Combes peut dérouler sa loi !

1. Jean-Joseph Romieu, Mollanais, livre de raison retranscrit par Jean-François Colonat, Les Deux Briefs, 2001.

Cet article a été publié en 2005 dans le n° 4 de Mémoire d’Ouvèze.