Outrage du temps

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Lorsque l’on regarde les mufles de la fontaine au dauphin on s’aperçoit que certains d’entre eux ont perdu des fragments de pierre qu’un « rapetassage » maladroit a du mal à masquer. Le temps a fait son œuvre semble-t-il, et nos édiles ont certainement tenté de faire subir un lifting à ces figures historiques. Mais est-on bien sûr que ce soit l’œuvre des ans et les rides des siècles?
Mollans n’a pas échappé comme la plupart des communes de France à une gesticulation communicative qui conduit en notre siècle à brûler des voitures ou des poubelles pour signifier un mal être que seule la violence gratuite peut compenser.
C’est bien le cas ici, un avatar des vandalismes qui ont jalonné et accompagné trop souvent notre histoire, l’expression rude d’un mécontentement face à des événements mal acceptés. Ainsi le 11 septembre 1787 les habitants réunis en assemblée générale ont constaté que dans la « nuit du neuf au dix on a arraché un des tuyeaux de la grande fontaine publique qui coule au bout du pont de ce lieu et abattu le menton d’un des muffles en sculpture de ladite fontaine dans la bouche duquel ledit tuyeau était cimenté. Tout de suite ledit sieur Vial, consul, est allé à ladite fontaine ; il a, en présence de plusieurs personnes, fait vuider une partie de l’eau du bassin où ledit tuyeau s’étant trouvé l’en a fait tirer. Il est à présumer que ledit tuyeau ainsi que le menton du muffle ont été abbatus à grands coups de pierres attendu qu’on voit à quelqu’un des autres tuyaux la marque des pierres qui y ont pareillement été jettées. Comme les désordres méritent punition lesdits sieurs consuls ont fait convoquer la présente assemblée afin qu’elle délibère sur ce qu’ils ont à faire, observant encore qu’il y a environ dix à douze jours qu’on avoit mis des ordures aux tuyeaux qui coulent dans le lavoir près de ladite fontaine et à celui qui coule hors dudit lavoir.
Sur l’exposé ci dessus l’assemblée a délibéré de prendre les moyens convenables pour découvrir les auteurs des insultes faites à la fontaine et faire cesser ces désordres. Elle donne pouvoir aux consuls de faire la dénonciation à la justice, et de consulter à ce sujet, approuvant les dépenses qui seront faites ».
On n’en saura pas plus. Les coupables des désordres ont-ils été châtiés ?

Quel est le mufle qui a été cassé ? Ils le sont tous aujourd’hui !

u Article publié dans Mémoire d’Ouvèze n° 1, 2004.